« […] If I must die
Let it bring hope
Let it be a tale »

Ce sont les trois derniers vers du tout dernier poème de Refaat Alareer, poète-martyr gazaoui tué avec son frère, sa sœur et quatre de ses enfants dans un bombardement israélien.

Je traduis :

« […] Si je dois mourir
Que ma mort soit porteuse d’espoir
Que ce soit un conte »

Il est des pensées fortuites – je suppose – des espèces de feux de paille, vives, soudaines, puissantes ; des éclats d’espoir, spontanés, éloquents, non-raisonnés, qui traverseraient l’esprit d’un Gazaoui devinant sa propre mort. Aussi, Refaat Alareer composait-il ses vers presque aussi puissamment que les bombardiers israéliens larguaient leurs bombes sur Gaza. Peut-être voulait-il que son testament lui survive très longtemps après sa mort. Qu’il devienne ainsi un message universel d’espoir et de résistance.

En plus d’être poète, Refaat Alareer était aussi écrivain, traducteur, intellectuel et militant. Il enseignait les lettres anglaises à l’Université de Gaza et était considéré comme l’un des chefs de file d’une nouvelle génération d’écrivains palestiniens. Il « ne possédait qu’un stylo ». Il était passionné de Shakespeare. Sa passion était la langue anglaise. Pour lui, c’était un moyen de libération qui défiait les barrières du blocus imposé par Israël depuis 2007. Mais aussi une arme de résistance pour « faire entendre » la cause palestinienne à travers le monde.

« Si je dois mourir,
Tu dois vivre
Pour raconter mon histoire
Pour t’occuper de mon héritage »

Comment dans le même temps celui dont la tête devine sa propre mort en pensées pourrait-il songer à accroître ce qu’il s’acharne à vivre ? À Gaza, toute mort prend son sens et même prélève déjà une part de sa substance dans la promesse d’un « autre » qui survit.

Qu’est-ce qu’un héritage ? Une idée. Une cause. Un autre qui survit.

If i must die, you must live. C’est le chant du cygne de Refaat Alareer.

Slim BEN YOUSSEF