Depuis 1973, ils sont près de 1238 médecins chinois, répartis en 28 équipes, à venir exercer en Tunisie dans le cadre de la coopération bilatérale avec la République populaire de Chine. Leur présence en Tunisie durera encore pour quelques années puisque le Parlement vient d’approuver la prolongation de l’accord entre les deux pays à propos de ces médecins. Est-ce la bonne solution pour combler le vide constaté dans nos hôpitaux et la migration de nos meilleurs médecins vers l’Europe ?

Lors d’une session ordinaire tenue il y a quelques jours au Parlement, l’ARP, via la commission de la santé, des affaires de la femme, de la famille, des affaires sociales et des personnes handicapées a approuvé le projet de loi organique n°54-2023 relatif au protocole d’accord entre la République tunisienne et le gouvernement de la République populaire de Chine concernant l’envoi d’équipes médicales chinoises en Tunisie.

Il y a lieu de rappeler que les médecins chinois fréquentant nos hôpitaux, surtout les régionaux d’entre eux, depuis plus de cinquante ans. Leur arrivée dans notre pays a eu lieu dans un contexte particulier avec un manque considérable de médecins tunisiens dans nos hôpitaux, surtout dans les régions intérieures en plus du manque de spécialistes dans certains domaines médicaux.

Depuis, 28 équipes, constituées de 38 membres chacune, dont 29 médecins, ont pris place dans les hôpitaux tunisiens, surtout dans des zones rurales et reculées, soulageant les douleurs de dizaines de milliers de Tunisiens au point de voir leur présence devenir très familière dans certaines régions malgré quelques difficultés ayant trait à la langue et aux traditions locales. Quant à la compétence de ces médecins venus de l’Extrême-est, elle n’est pas du tout mise en cause puisque, d’après les données fournies par la Chine, et à tire d’exemple, la 28e équipe médicale chinoise qui vient de débarquer est composée de médecins qui viennent des grands hôpitaux de la province du Jiangxi, qui sont des experts ou des meilleurs du service soigneusement sélectionné, d’après la direction de cette mission, parmi près de 300.000 médecins candidats.

Une autosuffisance largement possible

Or, aujourd’hui, alors que nos facultés de médecine forment chaque année des centaines de médecins, la Tunisie a-t-elle encore besoin de cette aide extérieure venue de très loin ? N’a-t-on pas encore atteint l’autosuffisance en nombre de médecins disponibles dans nos hôpitaux ?

Les réponses à ces interrogations paraissent parfois ambigües car la Tunisie possède, en terme de nombre, le personnel nécessaire pour offrir les soins adéquats dans nos hôpitaux. Là où le bât blesse, c’est qu’un grand nombre de nos médecins refusent d’aller s’installer dans des régions éloignées, préférant de loin le luxe des hôpitaux des grandes villes (Tunis, Sousse, Sfax, Monastir…).

Pourtant, les encouragements décidés par l’Etat n’ont pas manqué avec des salaires légèrement supérieurs à ceux des médecins des CHU et surtout des primes et des avantages susceptibles de les encourager à aller passer quelques années dans de telles régions aussi bien pour servir le secteur de la santé dans notre pays que de mettre en exergue la noblesse de ce métier.

En plus de cette attitude très discutable de la part de nos médecins, il y a lieu de rappeler que plus d’un millier de médecins tunisiens, dans quasiment toutes les spécialités, ont quitté le pays vers l’Europe, l’Allemagne et la France notamment, répondant favorablement à des offres très intéressantes qui touchent leurs salaires et leur carrière alors que les conditions de travail en Tunisie sont devenues de plus en plus difficiles dans des hôpitaux qui souffrent d’un manque flagrant au niveau de l’infrastructure et même au niveau de la sécurité.

Avant d’approuver ce projet de loi au protocole d’accord entre les deux pays, les députés de l’ARP ont tenu à pousser la partie tunisienne à plus de rigueur dans le choix des médecins chinois faisant partie de ces délégations et des spécialités dont nos hôpitaux ont réellement besoin, surtout dans les régions de l’intérieur.

Viser les spécialités manquantes

Les membres de la commission parlementaire concernée ont souligné la nécessité d’effectuer une évaluation globale de l’étendue de l’efficacité du travail des équipes médicales chinoises en Tunisie, notamment face à l’obstacle de la langue, qui pose, selon eux, un sérieux problème de communication entre les médecins chinois et le personnel médical et paramédical tunisien et avec les patients, alors que d’autres députés ont appelé à arrêter l’hémorragie de la migration des médecins tunisiens et du personnel qualifié, appelant à trouver des solutions pour encourager le personnel médical et paramédical à travailler dans les régions de l’intérieur.

A titre de rappel, la nouvelle délégation de médecins chinois mettra le cap sur les hôpitaux de Jendouba, Sidi Bouzid et Gafsa et le centre de formation spécialisé en acupuncture à l’hôpital Mongi Slim de la Marsa, qui a été créé en 1994 avec l’appui de la Chine et qui est le premier centre de traitement d’acupuncture au monde arabe.

C’est dire que cette coopération, parfois remise en question, pourrait être utile au pays qui est en train de s’ouvrir de plus en plus sur l’Est, notamment la Chine. En parallèle, il va devoir chercher d’autres alternatives pour préserver notre élite dans le domaine médical et pour inciter davantage les médecins tunisiens à exercer dans toute la République, comme c’est le cas pour d’autres corps de métier.

Kamel ZAIEM