De plus en plus de professeurs sont victimes de violences de la part de certains parents d’élèves. Menaces, agressions, insultes… Les langues se délient peu à peu dans nos écoles et des tensions se dessinent dans les relations parents-enseignants. Des enseignants rapportent avoir été victimes de la violence de parents d’élèves. C’est le cas d’une enseignante qui a été agressée  le 22 janvier en plein cours par un  parent d’un élève dans une école primaire à Nabeul. D’après un communiqué de la section de Nabeul de la Fédération générale d’enseignement de base, le parent en question s’est attaqué à l’enseignante et l’a agressée physiquement. Cette dernière a dû être transportée à l’hôpital. 

Ridha Zahrouni, président de l’Association tunisienne des parents et des élèves souligne que la violence à l’école est en train de devenir un phénomène grave et nocif au sein de notre société, en prenant de l’ampleur jour après jour et année après année. Une violence ou élèves et personnels des écoles, instituteurs, professeurs et gestionnaires, peuvent être à la fois auteurs ou victimes. Une violence impliquant dans certaines situations des personnes étrangères à l’école, des parents ou des délinquants, ou visant les équipements de l’école ou les biens d’autrui. Le plus grand problème de nos décideurs c’est qu’ils ignorent que la violence scolaire est en forte corrélation avec la violence qu’on vit tous les jours dans notre société formant ainsi un cercle vicieux qui prend l’effet de boule de neige, car les élèves d’aujourd’hui sont tout simplement les citoyens de demain.

La solution est loin d’être simple, notamment lorsqu’on cherche tous à focaliser le discours sur l’élève et éventuellement sur ses parents, alors que nous sommes tous défaillants et responsables, l’école en premier lieu, les parents et les élèves également, mais aussi le personnel enseignant, les spécialistes, les médias  pour ne citer que ceux-là. Par ailleurs, la violence à l’école peut se manifester sous plusieurs formes. Elle peut être physique, verbale ou matérielle, sexuelle ou virtuelle et elle peut être spontanée ou organisée. Les auteurs font recours à l’agression physique, aux injures, aux critiques et à l’humiliation. Ils vont parfois jusqu’au vol et au viol en passant par le harcèlement, l’intimidation et la destruction des équipements et des biens.

Plusieurs causes sont imputables à la violence dans nos écoles. La principale, à mon avis, réside dans le fait que l’école n’est plus synonyme ni de réussite, ni de considération ni d’espoir chez l’apprenant, et elle a perdu en même temps la confiance du Parent. Une école qui est caractérisée, de plus en plus, par la déchéance de la qualité de l’instruction et des chances de réussite, par la multiplication des interrogations au niveau de l’avenir de nos enfants, par la dégradation de la relation entre personnel de l’école d’un côté et les élèves et leurs parents de l’autre côté, par multiplication des conflits en rapport avec l’école qui sont motivés par la primauté des enjeux professionnels et financiers, et parfois politiques et syndicaux. Un fléau qui perdure et s’amplifie à cause de l’absence de structures dédiées, par le manque du niveau de la formation du personnel concerné, par l’inadéquation des structures et des opérations de soutien psychologique et du suivi, etc.

L’altération du rôle éducatif de la famille, la dégradation de son apport affectif et son incapacité à subvenir aux besoins essentiels des enfants font partie également des causes imputables à la violence dans nos écoles. Il ne faut pas omettre non plus l’instabilité de la situation sociale, économique et sécuritaire de notre pays, le désert culturel en matière d’éducation puérile et la prolifération des jeux suggestifs et des cultures violentes sur les chaînes de télé et sur les réseaux sociaux.

La violence commence là où le dialogue devient muet.

La prévention et la lutte contre la violence dans les établissements scolaires doit être une des principales missions prioritaires de l’Etat, de la famille et de l’école. Pour la réussite de cette tâche, il est nécessaire d’amener l’élève à croire de nouveau à l’école, en réunissant toutes les conditions devant garantir un environnement scolaire approprié, en termes de sécurité, sérénité, confiance et espoir. Il faut tout simplement réformer notre système éducatif, et la lutte contre la violence scolaire fait partie des stratégies à mettre en œuvre dans ce cadre.

En même temps, il faudrait mener un vrai travail de prospection et d’analyse sur le terrain et une recherche approfondie pour identifier tout ce qui se rapporte à la violence dans nos écoles : formes, spécificités, causes, fréquences, origines, etc. Des paramètres qui, en fonction des conjonctures sociales, économiques, culturelles et sécuritaires, doivent varier d’une région à une autre, d’un établissement scolaire à un autre, d’une période scolaire à une autre, d’une tranche d’âge des élèves à une autre et même d’un auteur à un autre. La finalité étant de mettre en œuvre la stratégie nationale pour faire reculer la violence dans nos écoles de façon significative et continue. De vrais objectifs devant être quantifiables dans l’espace et dans le temps en réservant tous les moyens nécessaires à cet effet.

Une stratégie qui doit s’ériger en projet national s’intégrant dans une politique globale du Ministère de l’Éducation, une politique qui doit être, elle-même, concrète et efficace. Cette stratégie qui doit se décliner en même temps par des plans d’actions opérationnels qui devraient être spécifiques à chaque établissement scolaire en définissant le rôle, la mission, et la responsabilité de chaque intervenant, l’Etat, les parents, les élèves, les enseignants, les spécialistes, les services de la sécurité publique, etc. La réussite du projet repose essentiellement sur la capacité à mobiliser tous ces acteurs autour d’un même projet, pour relever les mêmes défis et atteindre les mêmes objectifs, en instaurant un environnement de dialogue caractérisé par la confiance et le respect mutuel. D’autres l’ont fait, pourquoi pas nous, et la violence commence là où le dialogue devient muet.

                                            Kamel BOUAOUINA