Nous y sommes presque, le projet de loi portant amendement du statut de la BCT est fin prêt. Tout simplement ce projet autorise à l’Etat de se financer directement auprès de l’institution d’émission via des facilités accordées au Trésor public. C’est le président de la République Kaïs Saïed qui a appelé à maintes reprises à la nécessité de réviser le statut de la BCT et surtout de faire la distinction entre autonomie et indépendance de la banque des banques. Pour l’exécutif la question est ferme et irrévocable et elle n’est pas sujette à discussions. Face à la disette des ressources et au blocage des financements extérieurs, l’Etat n’a pas d’autres moyens que de puiser dans ses propres ressources pour financer un budget de plus en plus serré.

S’agit-il d’une mesure exceptionnelle pour l’exercice 2024 ? Les avis divergent et certains craignent l’impact de cette démarche sur la crédibilité de la BCT et surtout sur l’équilibre monétaire et financier du pays. Après son adoption le 25 janvier en conseil des ministres, cinq jours après le gouvernement a déposé une demande auprès de l’assemblée des représentants du peuple pour accélérer l’examen dudit projet. Le bureau de l’ARP s’est réuni exceptionnellement lundi pour l’examiner avant de le soumettre à la Commission des finances.

Une mesure exceptionnelle et un plafond de 7000 millions de dinars

Le projet de loi déposé le 26 janvier stipule clairement qu’il s’agit d’une mesure exceptionnelle destinée à financer le budget de l’Etat au titre de l’exercice 2024 pour un montant plafonné à 7000 millions de dinars remboursable sur 10 ans avec trois années de grâce. Un accord entre le ministère des Finances et le gouverneur de la BCT fixera les modalités de ponction et de remboursement de ces facilités de crédits en faveur du Trésor public.

Commentant ce projet de loi l’expert économique Aram Belhaj a affirmé sur un post facebook que « l’amendement du statut de la Banque centrale de Tunisie juste pour lui permettre de financer le budget de l’État et rien d’autre et non pas dans le cadre d’une approche globale permettant à la BCT de jouer un rôle central dans les questions de croissance et développement est une démarche qui pourrait avoir un impact négatif sur l’économie du pays et sur sa relation avec ses partenaires ».

Malgré les niet et les mises en garde des différentes instititutions financières internationales et des agences de notation sur les risques sous-jacents du financement du budget de l’Etat par le marché local notamment sur les pressions inflationnistes, l’érosion des avoirs en devises et sur la liquidité bancaire, la Tunisie semble déterminée à compter sur ses propres moyens pour financer un budget en besoin nette de 10 milliards dinars en 2024.

Rappelons que lors d’une visite inopinée au siège de la BCT en septembre 2023, le président de la république, Kaïs Saïed, a déclaré que « l’autonomie de la BCT ne veut pas dire son indépendance ». Saïed a appelé à une harmonie entre les directions de la banque centrale, mais aussi avec les politiques de l’Etat. Le Chef de l’Etat est convaincu que « la loi 58 est meilleure dans plusieurs de ses dispositions que la loi 2016-35 régissant le statut de la Banque centrale de Tunisie ». Il a épinglé l’article 25 de ladite loi stipulant que « la banque centrale ne peut pas octroyer à la trésorerie générale des facilités sous forme de découverts ou de crédits, ni acquérir directement des titres émis par l’Etat », affirmant que cette disposition profite aux établissements bancaires.

De son côté, Marouane Abassi, le gouverneur « partant » de la BCT s’attache rigoureusement à l’indépendance de la BCT et la considère que c’est une ligne rouge à ne pas franchir au vu des effets dominos de cette alternative sur l’économie nationale.

Or, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer le recours excessif de l’Etat au financement bancaire pour renflouer le budget de l’Etat surtout que les banques ont dévié ces dernières années de leur rôle ultime de financement de l’économie et des entreprises productives. Un mécanisme qui arrive désormais à bout de souffle et qui nécessite l’accélération d’un plan de réforme draconien permettant la création de richesses.

Yosr GUERFEL AKKARI