Au sein des vastes champs de nos campagnes, loin des regards scrutateurs, les ouvrières agricoles se retrouvent au cœur d’une réalité trop souvent tragique. Leur quotidien, débutant dans l’obscurité du matin, est marqué par l’espoir de récolter des légumes et des fruits, suffisants pour répondre aux besoins essentiels de leurs familles. Cependant, derrière cette scène laborieuse, plane une menace persistante : celle des accidents routiers qui ensanglantent trop fréquemment leur chemin. Leurs simples espoirs sont trop souvent confrontés à des tragédies évitables, laissant dans leur sillage des familles brisées et des communautés en deuil…

Deux décès

Suite au tragique accident survenu le 5 février au matin dans la délégation de Jelma, impliquant le renversement d’un camion léger transportant plus de 30 travailleuses agricoles, ayant entraîné deux décès et des blessures de gravité variable, y compris des cas graves. Le personnel médical, paramédical et les services de protection civile ont été mobilisés, et tous ont été transportés à l’hôpital régional de Sidi Bouzid, lit-on dans un communiqué rendu public par l’Union régionale du travail de Sidi Bouzid le 5 février 2024. Une délégation du bureau exécutif de l’Union régionale du travail s’est rendue à l’hôpital pour s’enquérir de la santé des blessés, présenter ses condoléances aux familles et soutenir le personnel médical et paramédical, ainsi que tous les employés de l’hôpital qui travaillent ardemment avec les moyens disponibles pour prendre en charge les blessés malgré les ressources humaines et les équipements médicaux limités.

L’Union régionale du travail de Sidi Bouzid a condamné fermement la gestion négative de tels incidents par les gouvernements successifs. Elle a  appelé les autorités à trouver rapidement des solutions pratiques et efficaces pour préserver la vie des travailleuses agricoles, pilier de l’agriculture et de la sécurité alimentaire nationale. L’Union a, également, demandé la mise en œuvre des lois relatives au transport agricole garantissant la dignité et la sécurité des travailleuses et travailleurs du secteur agricole.

835 blessés et 55 décès depuis 2015

Rappelons que le forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDS) avait exprimé son indignation face à la poursuite des accidents de camions transportant les ouvrières agricoles, à la suite du dérapage d’un camion le 14 janvier 2024 dans le gouvernorat de Bizerte, ayant fait 39 blessés parmi ces ouvrières.

Le forum avait souligné l’importance de réviser les législations organisant les droits des travailleurs dans le secteur agricole de manière à ce qu’elles soient adaptées à la réalité de ce secteur et conformes aux principes d’équité, d’égalité et de dignité, lit-on sur le site de l’ agence susmentionnée.
Il avait également appelé à trouver des alternatives sécurisées « aux camions de la mort » pour garantir le transport des ouvrières agricoles dans de bonnes conditions.

Dans le  même contexte, le FTDES avait recommandé le renforcement de l’infrastructure et le bitumage des pistes agricoles pour assurer le transport des ouvriers, relevant l’importance des campagnes de sensibilisation pour lutter contre le transport anarchique considéré comme étant une forme de traite des personnes, incriminée par la loi. « Cet accident n’est pas le premier du genre » avait noté le FTDES.

Selon le forum, 69 accidents similaires ont été enregistrés depuis 2015 ayant fait 835 blessés et 55 décès.
Il a qualifié ces chiffres, qui sont en nette croissance, d’alarmants malgré la promulgation d’une loi organisant les opérations de transport des ouvriers agricoles.

Ghada DHAOUADI