Avec la publication de son nouveau livre aux éditions El Amina, Abderrahmen Kablouti, notre grand poète national, a montré qu’il a plus d’une corde à son arc ; non seulement il est poète, ayant produit plusieurs recueils de poésie, il est aussi traducteur de poésie. Certes la traduction littéraire se devise en plusieurs parties. Il y a la poésie, le roman, la nouvelle, le conte etc. Mais c’est la traduction poétique qui pose le plus de problèmes pour le traducteur. Dès lors, on peut dire qu’il s’agit d’un défi à relever pour notre poète qui a pourtant su relever ce challenge littéraire qui, d’ailleurs, n’est pas sans difficulté.

En effet, les difficultés liées à la traduction poétique sont multiples. C’est qu’Il est souvent difficile pour le traducteur de transposer à la langue cible toutes les qualités de l’œuvre originale, spécialement en poésie. En ce cas, le traducteur doit faire attention à la forme, au concept et à la créativité à la fois. C’est ce qu’on ressent en lisant la traduction vers l’arabe des poèmes choisis de la littérature française par notre poète. La première partie concerne une pléiade de poètes français du 19è ou du 20è siècle ; la seconde partie est consacrée à quelques fables de la Fontaine.

Le recueil compte 31 poèmes appartenant à d’illustres poètes ayant fait leur preuve dans la poésie française, à savoir Victor Hugo, Charles Baudelaire, Paul Verlaine, Louis Aragon, Alfred de Musset, Paul Eluard, Arthur Rimbaud, Jacques Prévert, Alain Bosquet, Théophile Gautier, Guillaume Apollinaire, Eugène Guillevic et d’autres encore non moins importants. Quant aux fables de la Fontaine, elles sont au nombre de dix, choisies méticuleusement par notre traducteur aussi bien pour la moralité qu’on peut y tirer que par leur aspect instructif et divertissant.

Abderrahmen Kablouti, bien connu pour ses créations poétiques depuis des décennies auprès du public tunisien, s’est lancé dans cette entreprise, qu’est la traduction de textes poétiques, avec une bonne connaissance de la langue française et une longue expérience avec la poésie française, dès son jeune âge. Il a donc le sens de la créativité, il a déjà le génie poétique, il a la sensibilité du poète, il est même familiarisé aux sonorités, aux rythmes et aux rimes. Voilà pourquoi ce recueil de poèmes traduits est une entreprise réussie, car elle est l’œuvre d’un poète. Personne ne pourra traduire un poème mieux qu’un poète, car il se met à la place du poète concerné, avant, pendant et après la traduction. Certes, la traduction des poèmes est un travail très difficile pour un traducteur quelconque, mais la tâche est moins pénible quand on a l’inspiration, l’imagination, la Muse et l’âme d’un poète. Tous ses atouts existent déjà chez le poète Kablouti, si bien que les textes traduits, que ce soit des poèmes ou des fables, n’ont en aucun cas trahi ou défiguré le sens ou le contenu de la langue de départ. Et on peut même remarquer qu’il y a toujours eu cette part de créativité et d’imagination, si bien qu’on peut savourer les textes traduits sans avoir besoin de les comparer aux poèmes sources, car on y trouve toutes les propriétés de la poésie : des images, des comparaisons, des métaphores, des sonorités, des équivalences, des jeux de mots, des rimes…

Toutefois, il y a des textes qui ont subi des adaptations, ce qui est toujours évident pour faire accéder le lecteur au vrai sens du texte d’origine. Tout le mérite de Kablouti réside dans le fait que sa traduction respecte le contexte du poème originel et reflète fidèlement le sens des mots, en créant toujours une certaine émotion musicalité dans la langue cible. Le lecteur arabisant pourrait ainsi lire les poèmes traduits en arabe chez le lecteur. Bref, on peut dire que notre poète-traducteur a usé de techniques linguistiques et stylistiques élégantes et talentueuses. Ainsi la personne qui écoute ou qui lit les poèmes traduits croit toujours qu’il trouvera les valeurs des textes originaux. Et c’est l’essentiel !

Hechmi KHALLADI