Le projet de révision de l’article 411 du Code du commerce relatif à l’émission des chèques sans provision devrait être examiné prochainement par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) d’une séance plénière, selon des sources proches du ministère de la Justice.
L’amendement se base sur une nouvelle approche basée sur la conciliation entre les droits et les intérêts des créanciers et des débiteurs. Il s’agit, en d’autres termes de protéger les droits des créanciers au remboursement des dettes impayées, tout en offrant la possibilité à ceux ayant émis des chèques sans provision de reprendre leurs activités économiques après la régularisation de leur situation.
D’après les premières indiscrétions, l’intérêt se porte sur la suppression des peines privatives de liberté (peine de prison ferme) avec le maintien des sanctions financières pour les émetteurs de chèques sans provision, ainsi que sur le renforcement des procédures de conciliation et de la médiation entre les parties impliquées en cas de poursuites judiciaires et la prolongation des délais de règlement des litiges.
La création d’une plateforme électronique dédiée au traitement des chèques impayés figure également parmi les mesures envisagées.
Le Conseil Bancaire et Financier (CBF), un organisme professionnel qui regroupe les banques et les établissements financiers, a proposé de son côté le recours chèques électroniques accompagnés d’une application permettant au bénéficiaire de vérifier instantanément le solde du débiteur, ce qui lui permettrait d’accepter ou de refuser le chèque en temps réel.
L’article 411 du Code du commerce stipule qu’ « est puni d’un emprisonnement pour une durée de cinq ans et d’une amende égale au montant du chèque ou de l’insuffisance de provision celui qui a, soit émis un chèque sans provision préalable et disponible ou dont la provision est inférieure au montant du chèque, soit retiré après l’émission du chèque tout ou partie de la provision, soit fait défense au tiré de payer en dehors de cas prévus à l’article 374 du Code ;celui qui, en connaissance de cause, a accepté un chèque émis dans les conditions visées à l’alinéa précédent ».
Les mêmes peines s’appliquent également à « celui qui a aidé sciemment, dans l’exercice de sa profession, le tireur du chèque, dans les cas visés à l’alinéa 1er ci-dessus, à dissimuler l’infraction soit en s’abstenant de procéder aux mesures que la loi prescrit de prendre, soit en contrevenant aux règlements et obligations de la profession ».

Une demande récurrente des acteurs économiques
L’amendement de l’arsenal législatif relatif à l’émission des chèques sans provision représente une demande récurrente des hommes d’affaires et de plusieurs acteurs économiques au cours des dernières années surtout que la crise économique consécutive à la pandémie du coronavirus et à la guerre en Ukraine a provoqué une hausse sans précédent du nombre des affaires de chèques sans provision traités par les tribunaux et contraint plusieurs milliers de Tunisiens à fuir à l’étranger pour échapper à la prison.
En 2023, plus de 417 000 chèques d’un montant total de 3,5 milliards de dollars ont été rejetés par les banques commerciales tunisiennes faute de provisions suffisantes, selon des données figurant dans le Bulletin sur les paiements publiés récemment par la Banque centrale de Tunisie (BCT).
En juin 2023, le porte-parole de l’Association nationale des petites et moyennes entreprises (ANPME), Abderrazak Houas, avait révélé que le nombre de patrons de PME emprisonnés dans le cadre d’affaires de chèques sans provisions a atteint le chiffre de 7.200, notant que ce nombre pourrait augmenter sensiblement dans les années à venir puis que quelque 200.000 petites et moyennes entreprises (PME) ont fait faillite depuis le début de la pandémie de Covid-19 , et sont dans l’incapacité de poursuivre leurs activités ou ont d’énormes difficultés à payer leurs dettes. Le porte-parole de cette association a fait savoir par ailleurs que 10. 800 chefs d’entreprises poursuivis dans des affaires de chèques en bois sont également en fuite à l’étranger, soulignant l’urgence de réviser le cadre législatif relatif à ces chèques pour arrêter l’hémorragie.

Walid KHEFIFI