Au cœur des préoccupations actuelles, l’exode des compétences tunisiennes vers l’étranger a été abordée lors d’un entretien entre le président Kaïs Saïed et le ministre de l’Enseignement supérieur Moncef Boukthir. Pourquoi tant de compétences quittent-elles leur pays d’origine, laissant derrière elles l’éducation et les initiatives qui ont forgé leur savoir et leur culture ? Quels sont les moteurs profonds qui incitent ces esprits brillants à émigrer, abandonnant une nation qui a investi dans leur formation académique et intellectuelle ? En se penchant sur ce phénomène, la présidence de la République semble déterminée à examiner les causes profondes de cet exode des compétences et tenter d’améliorer, d’après les mots de Saïed, « les conditions propices à une vie décente en Tunisie ».

Le président Saïed a évoqué lors de cette réunion plusieurs réformes qui semblaient être des réformes en apparence, mais dont les objectifs étaient de porter atteinte au secteur public de l’éducation, en plus de tentatives infructueuses visant à entraver la capacité de réflexion des jeunes à toutes les étapes de l’éducation. Il a discuté par ailleurs avec le ministre Boukthir des résultats préliminaires de la consultation nationale sur le système éducatif, à laquelle ont participé plus de 580 000 personnes.

Le président de la République a également abordé la question de l’émigration des compétences tunisiennes à l’étranger, soulignant que l’élite du pays recherche désormais des opportunités professionnelles à l’étranger dans toutes les spécialités, notamment dans le secteur des ingénieurs, qui a connu l’émigration de plus de quarante mille ingénieurs en quinze ans. Le taux annuel d’émigration aujourd’hui dépasse les six mille, laissant ainsi la question de savoir si nous prêtons nos compétences aux pays qui ont choisi la stabilité ou si ce sont eux qui nous prêtent.

Le président a souligné que notre pays n’est pas opposé à la coopération technique, mais si nos compétences trouvent des conditions propices à une vie décente en Tunisie, de nombreux citoyens ne songeraient pas à émigrer à l’étranger. Le président a également insisté sur la nécessité de revoir un certain nombre de textes qui ont exacerbé ce phénomène dans les domaines de l’ingénierie, de la médecine et d’autres sciences.

Rappelons que Kamel Sahnoun, doyen des ingénieurs tunisiens, a indiqué, dans une déclaration accordée à Mosaïque FM le 19 février, que le nombre d’ingénieurs diplômés chaque année des universités tunisiennes s’élève à environ 8500. En revanche, environ 6500 ingénieurs partent chaque année à l’étranger après avoir acquis de l’expérience et maîtrisé leur profession.

Selon Sahnoun, l’ingénieur tunisien jouit de compétences et d’une formation de qualité, ainsi que d’une rapidité d’intégration, ce qui suscite l’intérêt de pays d’Afrique, d’Europe, d’Australie et du Golfe arabe qui cherchent à attirer ces ingénieurs en leur offrant toutes les conditions propices. « L’État dépense 100 mille dinars pour chaque ingénieur, ce qui signifie une perte annuelle de 650 mille dinars lorsque ces ingénieurs quittent le pays. Cette somme équivaut à la construction d’un hôpital universitaire, d’une faculté, ou d’un aéroport. »

Il a ajouté : « Lorsqu’un ingénieur diplômé entre dans la vie professionnelle, il ne bénéficie pas de la reconnaissance nécessaire, se retrouvant confronté à des difficultés professionnelles et matérielles. C’est pourquoi nous constatons aujourd’hui la perte d’environ 18 ingénieurs par jour qui quittent le pays sans être remplacés ultérieurement. »

Ghada DHAOUADI