L’article 96 du Code pénal empêche, d’après d’aucuns, les responsables et les hauts fonctionnaires au sein de l’administration publique de prendre des initiatives pour débloquer certaines situations sans risquer des poursuites judiciaires et des peines de prison ferme. La frontière entre l’intention de service et le risque de malentendu semble parfois floue ; d’où l’élan législatif actuel au sein de l’ARP pour amender cet article, jugé astreignant.

Au sein de l’administration publique, combien de personnes exploitent leur position pour accorder des faveurs ou pour obtenir des avantages personnels ? Certes, des individus, au sein de l’appareil d’État, tirent parfois avantage de leur emploi pour des gains personnels. La lutte contre ces actes répréhensibles est incarnée dans l’article 96 du Code pénal tunisien. En revanche, ce même article est depuis quelques temps pointé du doigt, notamment par le président Saïed, qui a fustigé à maintes reprises la lourdeur voire l’immobilisme des haut-responsables au sein de l’appareil exécutif de l’Etat à cause des dispositions de cet article, pris souvent comme prétexte pour ne pas s’acquitter convenablement de leurs tâches.

Des propositions d’amendement de l’article 96 et de quelques dispositions du code pénal présentées respectivement par le Syndicat des magistrats tunisiens et l’Ordre national des avocats ont été au menu, le 29 février 2024, d’une séance d’audition de la commission de la législation générale au sein de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP). Lors de cette séance, le président du syndicat des magistrats tunisiens a exposé, selon un communiqué publié jeudi par l’ARP, le contexte général de l’adoption de l’article 96 du code pénal en vertu de la loi n°85-85 du 11 août 1985, rapporte l’agence TAP.

Il a souligné l’importance de cet article qui stipule qu’il « Est puni de dix ans d’emprisonnement et d’une amende égale à l’avantage reçu ou le préjudice subi par l’administration, tout fonctionnaire public ou assimilé, tout directeur, membre ou employé d’une collectivité publique locale, d’une association d’intérêt national, d’un établissement public à caractère industriel et commercial, d’une société dans laquelle l’Etat détient directement ou indirectement une part quelconque du capital, ou d’une société appartenant à une collectivité publique locale, chargé de par sa fonction de la vente, l’achat, la fabrication, l’administration ou la garde de biens quelconques, qui use de sa qualité et de ce fait se procure à lui-même ou procure à un tiers un avantage injustifié, cause un préjudice à l’administration ou contrevient aux règlements régissant ces opérations en vue de la réalisation de l’avantage ou du préjudice précités.  »

Il a déclaré, dans ce contexte, la nécessité de la révision de l’article estimant qu’il freine le travail des fonctionnaires qui ne veulent plus signer des décisions administratives sensibles par crainte des poursuites pénales en vertu de cet article.

Concernant les propositions n°15 et 28/2023 portant sur l’amendement de l’article 96 et de quelques dispositions du code pénal, le président du syndicat des magistrats a appelé à élargir la consultation en vue d’élaborer un texte de loi complet et cohérent prêt à être appliqué. De son côté, le bâtonnier de l’Ordre des avocats a mentionné que l’article 96 a instauré de la confusion au niveau de l’action administrative ce qui a emmené certains observateurs à affirmer qu’une partie du ralentissement économique résulte du refus des fonctionnaires à prendre des décisions ou des initiatives.

L’intervenant a appelé au fusionnement des propositions de l’Ordre des avocats et du Syndicat des magistrats dans un seul texte en mettant l’accent sur la nécessité de l’amendement de plusieurs articles du code pénal en vue d’une harmonisation des textes. A noter que lors de la discussion, les membres de la commission de la législation générale ont souligné leur effort pour l’élaboration d’un texte assurant un équilibre entre les objectifs de la politique pénale pour lutter contre la corruption administrative et financière d’un côté et l’efficacité du travail administratif d’un autre côté, lit-on sur le site de l’agence susmentionnée.

« Il y a une question très importante, un certain nombre de services publics ne fonctionnent pas normalement. Certains prennent l’article 96 du Code pénal pour prétexte pour ne pas s’acquitter convenablement de leurs tâches. Cet article sera amendé dans les plus brefs délais afin d’en finir avec ces prétextes », avait-il précisé le 15 décembre 2023.

« Nombreux sont ceux qui prennent prétexte de l’article 96 du Code pénal pour se dérober à leurs responsabilités », avait annonce le président de la République le 13 décembre 2023.

Ghada DHAOUADI