• Selon Fitch, le cadre réglementaire bancaire de la Tunisie est encore à la traîne par rapport à celui de la plupart des pays africains. 

L’agence de notation Fitch Ratings a fait savoir que les premiers états financiers consolidés des banques tunisiennes selon la norme IFRS9 devraient montrer que les établissements bancaires ont une capacité suffisante pour absorber les exigences de provisionnement supplémentaires. L’agence de notation s’attend à ce que les comptes, attendus pour fin avril, mettent en évidence les provisions pour pertes sur prêts et les déficits de couverture basées sur les prévisions de pertes. 

Entre autres, les banques tunisiennes doivent respecter un ratio réglementaire Tier 1 de 7% minimum et un ratio solvabilité de 10% minimum, qui sont moins stricts que sur de nombreux marchés africains. La moyenne du ratio Tier 1 et de solvabilité pour le secteur était de 11,7 % et 14,6 %, respectivement, à la fin du premier semestre 2023, ce qui est élevé par rapport aux normes internationales. Toutefois, ces ratios doivent être considérés à la lumière des risques pays élevés et des fortes concentrations d’un seul débiteur. La comparaison avec les banques internationales n’est pas simple dans la mesure où les banques tunisiennes calculent leurs ratios de solvabilité selon Bâle I (en utilisant l’approche standard), ce qui permet des pondérations de risque plus favorables pour les expositions souveraines faiblement notées.

L’IFRS 9 exige la déduction des pertes de crédit attendues et encourues sur les prêts détenus au coût amorti, ce qui constitue un changement important par rapport à l’approche rétrospective précédente. « Nous prévoyons que les déficits de réserves pour pertes sur prêts selon IFRS 9 réduiront les ratios de fonds propres jusqu’à 30 points de base. La plupart des banques continueraient à respecter les exigences réglementaires, mais certaines pourraient avoir besoin de lever de nouveaux capitaux », souligne Fitch. 

Fitch considère que la couverture des réserves du secteur (fin du premier semestre 2023 : 52%) est faible en raison des difficultés de réalisation des garanties et des risques élevés liés à l’environnement opérationnel. Elle prévoit que la plupart des réserves supplémentaires requises seront destinées aux prêts classés au stade 2 selon IFRS 9 – prêts pour lesquels le risque de crédit a considérablement augmenté depuis la comptabilisation initiale.

 

Les banques devront respecter un ratio de 7% d’ici fin 2026 


Les banques tunisiennes disposent d’importants portefeuilles dans ce que l’on appelle localement les catégories B2 et B3, que nous prévoyons d’être classés en Stage 2. 

« Nous pensons que les prêts classés comme dépréciés (Stage 3 selon IFRS 9) sont déjà assez bien couverts. Il est peu probable que les prêts de la phase 1 nécessitent des réserves supplémentaires substantielles étant donné que la Banque centrale de Tunisie (BCT) a commencé à durcir les règles régissant le calcul des provisions générales en 2021, garantissant une transition plus douce vers IFRS 9. Cependant, certaines banques pourraient avoir besoin de réserves supplémentaires pour la phase 1. Les prêts 1, 2 et 3, en particulier s’ils disposent de données et de modèles insuffisantes pour étayer leurs hypothèses de pertes attendues, ou de normes plus souples en matière d’enregistrement des documents pour étayer la valeur des garanties », relève l’agence de notation. 

L’agence de notation a précisé que le ratio moyen de prêts douteux du secteur se situe autour de 13,5% ces dernières années. Les banques devront respecter un ratio de 7% d’ici la fin de l’année 2026, ce qui sera difficile pour certaines. L’adoption d’IFRS 9 n’entraînera pas nécessairement une augmentation des niveaux déclarés de prêts douteux (étape 3), mais les prêts de l’étape 2 seront probablement importants compte tenu de la vaste restructuration des prêts.

Le cadre réglementaire bancaire de la Tunisie est encore à la traîne par rapport à celui de la plupart des pays africains. Les banques calculent le risque de crédit selon Bâle I et le risque de marché et opérationnel selon Bâle II. Les principes de Bâle III sont en cours de discussion mais il est peu probable qu’ils soient introduits à court terme. Néanmoins, l’agence de notation considère comme positifs les efforts de la BCT afin de converger vers les normes internationales et préserver les fonds propres des banques.

La BCT a imposé des limites et des conditions aux distributions de dividendes des banques sur la base des ratios de fonds propres à fin 2023, comme elle l’a fait pour fin 2022. Le versement sera limité à 35% du bénéfice net 2023 pour les banques dont les ratios solvabilité et Tier 1 de fin 2023 (après déduction des dividendes à verser) dépassent les exigences réglementaires minimales de moins de 2,5 points de base. Il n’y aura aucune restriction pour les banques dont les ratios de solvabilité  et Tier 1 dépassent les exigences réglementaires minimales d’au moins 2,5 points de base et 3,5 points de base, respectivement, même si l’approbation préalable de la BCT sera toujours nécessaire.

« Les banques sont appelées à redoubler d’efforts »

Dans le même contexte, M. Fethi Zouhair Nouri, Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT), appelle les banques locales à redoubler d’efforts afin d’apporter leur contribution à la relance économique.  

Lors de sa  réunion avec les premiers responsables des banques, il a indiqué que l’institut d’émission va poursuivre le processus des réformes du secteur bancaire et la démarche progressive et concertée avec la profession pour l’implémentation de ces réformes. L’objectif,  étant d’assurer les conditions de stabilité financière et de financement adéquat de l’économie tunisienne.

Khouloud AMRAOUI