Les associations offrent aux citoyens un moyen de s’engager dans des causes qui leur tiennent à cœur. Ils peuvent participer à des initiatives locales, nationales ou internationales et contribuer ainsi au développement de la société et au renforcement de la démocratie. Elles rassemblent des individus partageant des intérêts communs, ce qui favorise le développement de relations sociales, de solidarité et d’appartenance à une communauté. Elles contribuent ainsi à renforcer le tissu social et à lutter contre l’isolement et la marginalisation. Toutefois certaines associations dépendent de financements externes, qu’ils proviennent de subventions publiques, de dons privés ou d’autres sources. Cette dépendance financière peut parfois compromettre leur indépendance et leur capacité à agir de manière autonome, en fonction de leurs propres valeurs et priorités.
Bien plus, certaines associations peuvent être entraînées dans des pratiques de corruption ou de malversations ou celles qui deviennent soumises aux conditions que leur imposent ceux qui les financent. Elles peuvent être de ce fait, sujettes à des conflits internes, qu’elles soient liées à des divergences d’opinions, des luttes pour le pouvoir ou des problèmes de gestion. Ces conflits peuvent affaiblir la cohésion interne, compromettre l’efficacité de l’association et même nuire à la situation sociale et politique du pays où elles exercent leurs activités.

Ancien régime et haro sur la liberté d’association

En Tunisie et durant l’ancien régime, les activités et le financement des associations étaient sévèrement restreints. La loi de 1959 sur les associations a été modifiée par la loi organique 88-90 qui a fait l’objet de restrictions plus importantes en 1992. Après 2011 le cadre juridique transformateur a eu pour but de supprimer les restrictions afin de garantir la liberté de constituer des associations d’y adhérer et d’y exercer des activités et ce par le nouveau décret 88-2011 en vertu duquel, il y a les restrictions à l’enregistrement et au champ d’activité. En outre et selon l’article 35, dudit décret, les associations sont désormais autorisées à recevoir des fonds étrangers sans autorisation préalable. Avec la Constitution de 2014 les associations sont tenues de s’engager à respecter notamment les dispositions de la loi concernant la transparence financière. Cependant durant la dernière décennie, il y a eu des associations soi-disant caritatives qui avaient plongé dans les malversations et surtout dans le blanchiment d’argent. En outre, plusieurs associations ont été impliquées dans des tiraillements politiques, qui les a amenés à user de toutes les pratiques illégales afin de servir le parti au pouvoir à l’époque.

Financements étrangers et association douteuses

De ce fait, l’idée qui taraudait Kaïs Saïed dès son avènement au pouvoir, était de réviser le décret 88 de manière à empêcher l’octroi aux associations de financements étrangers qui auraient pour but de perturber l’État ou les campagnes électorales. Un projet de loi dans ce sens a commencé à être élaboré par le gouvernement depuis 2022, avec des amendements dans le sens d’un plus grand contrôle des associations par l’administration qui peut rejeter la demande pour incompatibilité avec les dispositions de la loi. Plusieurs fois revenus à la charge, le président de la République n’en démord pas en mettant en exergue dans ses discours la nécessité de mieux contrôler les associations surtout en ce qui concerne les sources de fonds provenant de l’étranger qui sont débloqués à leur profit. Il a plusieurs fois appelé le gouverneur de la banque centrale à prendre les mesures nécessaires au niveau de la Commission tunisienne des analyses financières (CTAF) pour « contrôler les sources des fonds affluant vers les associations provenant de cercles suspects à l’étranger ».

Lors de la réunion du conseil de sécurité, lundi dernier, le président de la République Kaïs Saïed a critiqué vivement les associations bénéficiant de financements étrangers en qualifiant la plupart de traîtres et de mercenaires et en soulignant que l’objectif est de ne pas permettre à ces associations de se substituer à l’Etat. Ce qui laisse comprendre qu’il est plus que jamais décidé à amender le décret 88 sur les associations avec plus de vigueur dans le contrôle des financements étrangers.

Inquiétudes sur la liberté d’association

Cela a laissé certains membres de la société civile, inquiets sur le sort de la liberté d’association. C’est le cas du député et rapporteur de la commission parlementaire des droits et des libertés, Mohamed Ali, lors de son intervention sur les ondes de Express FM, qui confirme qu’il existait un flux important d’argent dirigé vers certaines associations, pour le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent, sous couvert de la transition démocratique et le développement. Il affirme donc qu’il est nécessaire de trouver une solution pour éviter que l’argent ne soit lié à des agendas politiques et étrangers. Il précise également que sous l’ancien décret, certaines associations étaient liées à certains partis et ont été à l’origine de recrutements, notamment en Syrie et en Irak. Toutefois, il fait part quand même de sa crainte que la Tunisie perde la liberté d’organisation qui est un acquis démocratique, en faisant observer « qu’Il est injuste d’associer toutes les associations à des actes répréhensibles »

Contrôle sur les associations et reddition des comptes

En effet, il est important d’exercer plus de contrôle sur les associations afin d’éviter les abus les malversations à but pécuniaire ou politique, sans pour autant exercer des pressions au point d’entraver la liberté d’association. Au lieu d’interdire les financements étrangers, il est opportun de d’appeler les associations à plus de transparence sur les sources et les utilisations de ces fonds, sans plus de pressions de nature à entraver la liberté du travail associatif. En effet, certaines associations peuvent manquer de transparence dans leur fonctionnement, ce qui peut entraîner un manque de confiance de la part du public ou de leurs membres. La dépendance financière peut parfois compromettre leur indépendance et leur capacité à agir de manière autonome, en fonction de leurs propres valeurs et priorités. C’est donc le manque de reddition de comptes et de communication ouverte qui peut compromettre la légitimité et l’impact de l’association.

En définitive, maintenir un équilibre entre la garantie de la liberté d’association et le contrôle des sources de financement est essentiel pour préserver la démocratie et l’intégrité du système associatif. La nouvelle loi doit avoir pour but de définir les conditions dans lesquelles les associations peuvent collecter des fonds et les utilisations autorisées de ces fonds. Cela aiderait à éviter les abus tout en préservant la liberté d’association.

Ahmed NEMLAGHI