Rentrée scolaire qui risque d’être compromise. Noureddine Tabboubi a l’air de tituber, de gamberger dans toutes les directions, appelant les enseignants à s’acquitter de leur devoir, à assurer la rentrée pour le 15 septembre et, s’il se trouve, à formuler leurs revendications après.
C’est qu’il est conscient qu’un certain Lassâad Yakoubi lui tient la dragée haute. Ce monsieur est indéboulonnable. Il « trône » sur l’Enseignement en en faisant sa chasse gardée. En un claquement de doigts, il peut à tout moment renverser la donne, piétiner tous les accords, prendre en otage nos élèves tout autant que leurs parents. Nous parlons ici du quart de la population tunisienne, de génération appelée à s’immoler sur l’autel d’un corporatisme décapant. Nous parlons aussi de marginalisation, de précarisation de l’école de la république, de déni du Savoir, de cruel retour des choses pour cet Enseignement sur lequel la Tunisie de l’indépendance avait bâti toutes ses espérances d’avenir, prolongement aussi de sa vocation d’ouverture sur le monde.
Nous parlons aussi d’une harmonie sociétale, de nivellement par le haut grâce, précisément, à cette « vieille école à papa », celle-là même qui a enfanté une intelligentsia de premier plan.
On ne saurait dire si Lassâad Yakoubi a entendu parler d’un certain Mahmoud Messadi. Ou qu’il ait lu l’un de ses ouvrages. L’universalisme, ce n’est pas vraiment dans ses cordes. Reclus dans son corporatisme, arrogant, il est pour le syndicalisme ce qu’est un Makhlouf pour la politique.
Maintenant, il fait brandir la menace d’un boycott de cette rentrée, sans doute conscient que, face à lui, un ministre qui prend le train en marche, n’est pas rompu aux magmas souterrains d’un monde surréaliste, fait de jeux de miroir, sinon de miroir aux alouettes. Ce que veut Yakoubi, c’est l’enseignement des attrape-nigauds, dans un délire revendicatif qui tourne autant à la paranoïa qu’au culte de la personnalité. La sienne propre.
Au bout de deux longues années ressemblant à des années blanches, il y a à se demander si la meute des « suivistes » parmi nos enseignants n’est pas elle-même confondue dans ce même délire vertueux. « Le maître a failli être un prophète », phrase célèbre qui les taraudera tout le long de leur carrière, parce que le serment venant d’en haut est lui-même devenu inaudible.
Les appels de Tabboubi sonnent dès lors comme un aveu d’impuissance. Parce qu’il y a un syndicat dans le syndicat. Parce que Yakoubi s’est constitué une base inversant la pyramide. Parce que ses démons sont irrépressibles.
A-t-on jamais vu cet homme omnipotent proposer ne serait-ce qu’une esquisse de réforme de l’Enseignement et de l’Education d’une façon générale ? Non, il est dans une autre logique : syndicaliste dans une carapace démoniaque ; faiseur de turbulences, oracle condamnant nos enfants à un avenir brumeux.
C’est la loi du talion. Et pire que le talion, c’est le cynisme froid , l’extrême expression de la bêtise humaine. Yakoubi est en définitive l’incarnation de cette fameuse « Orange mécanique », célèbre film de Stanley Kubrick. Film effrayant.
Raouf Khalsi