Une histoire convulsive, comme l’est celle de l’Algérie. Le dernier des Mohicans ? Peut-être, sans doute, au rapport de tous ceux qui, comme lui, ont lutté pour la libération de l’Algérie. Peut-il aspirer au statut des grands libérateurs du Maghreb ou à celui de père fondateur ? Pas évident.
Cet homme aura été cependant de tous les combats. Après avoir rejoint le maquis, à la libération, il a d’abord été du côté de Benbella. Bourguiba, qui craignait déjà un putsch de Boumediene, et l’ancrage de celui-ci au bloc soviétique, chercha à rapprocher de lui « le jeune Bouteflika », déjà promis à une grande carrière diplomatique. En tous les cas, durant les années brumeuses des relations tuniso-algériennes, Bouteflika sut actionner une diplomatie secrète avec Mohamed Masmoudi, notre ministre des Affaires étrangères de l’époque. Quelque part, ils auront réussi à rétablir les ponts, entre Bourguiba, l’ultra-occidental et Boumediene, l’ultra-socialiste.
On ne peut cependant pas dire que Bouteflika ait eu un destin maghrébin. Son destin, exclusif, c’est l’Algérie qu’il a dû fuir un certain moment pour s’expatrier aux Emirats, avant d’y revenir pour, miraculeusement, mettre fin à la décennie noire.
Du moins, les Algériens lui doivent cela. La réconciliation nationale, c’est lui, avec l’aile dure du GIA qui déposait les armes.
Aujourd’hui, le bilan de Bouteflika est malheureusement mitigé. C’est qu’en « bon Chef d’Etat arabe », il s’est accroché au Pouvoir, à coups d’amendements constitutionnels, n’a pas lâché prise, quoique cloué à une chaise roulante, donnant ainsi libre cours à un népotisme, à un certain favoritisme et s’emmêlant même les pinceaux avec l’Armée, que personne ne peut toucher.
Et même si les Algériens lui doivent d’avoir obtenu les excuses officielles de la France, avec Hollande, puis avec Sarkozy pour les crimes de la colonisation, Bouteflika n’était plus en odeur de sainteté. Le rassembleur, l’homme de la réconciliation nationale, n’a pas su prêter l’oreille aux revendications des générations, revendications tenant aux libertés et à la démocratie. « Le Harak », presque concomitant aux Gilets jaunes, il n’a pas su en saisir la dimension épique. Quand il lui arrivait de parler, il disait à ses proches qu’il a su éviter à l’Algérie l’onde de choc du Printemps arabe.
Aujourd’hui, les Algériens, nationalistes dans l’âme, s’inclinent cependant à la mémoire d’un homme ayant le plus duré au Palais, mais qui laisse quelque chose d’important à ses concitoyens : un nationalisme sans ambages et un certain art de jouer sur les équilibres régionaux, même s’il a évité…le Maroc.
Son rapport à la Tunisie ? Il ne croyait qu’en Bourguiba…
Raouf Khalsi