C’est presque systématique. Quasi agaçant. A peine Kaïs Saïed lance-t-il un appel à baisser les prix de tel produit ou de telle denrée, que lesdits prix commencent, à rebrousse-poil et comme par un étrange « esprit de contrariété », de flamber davantage. C’est, du moins, la forte impression qui, depuis un certain moment, se fait sentir par une grande partie des Citoyennes et des Citoyens. Le Président a beau s’acharner, à chaque fois, à « prêcher raison » aux intervenants concernés, pour qu’ils adhèrent, de leur propre gré, aux « aspirations » de cette étape, qu’il n’arrête désormais plus de qualifier d’« historique ». Mais, en dépit de ses meilleures intentions, il n’y parvient visiblement pas…
Lorsque le Président fait irruption dans des entrepôts frigorifiques à Jedaida et à Tebourba, ou, plus récemment, dans une société de vente de matériaux de construction à Fouchana, pour « inspecter », dit-il, les canaux de distribution, et « consulter » de ses propres yeux toutes les anomalies qui en découlent ; quand il limoge, sans crier gare, un gouverneur à Bizerte, puis à Sfax et plus récemment à Ben Arous –parce que, selon lui, il y aurait anguille sous roche ; ou quand il reçoit, chacun à son tour, quelque intervenant de la chaîne commerciale pour l’« haranguer » et l’exhorter publiquement à baisser les prix et à faire preuve d’un « esprit de responsabilité », il y a raison d’admettre, qu’à la longue, Kaïs saïed, qui fait de ce combat contre la flambée des prix une affaire quasi-personnelle, ne fait que tourner en rond depuis quelque temps…
Est-ce pour narguer le Président ?
Le constat, en tout cas, semble on ne peut plus clair, non seulement dans l’esprit de tout quidam tunisien, mais aussi, et visiblement, dans celui de Kaïs Saïed. Ce sont, à n’en plus douter, tous ces circuits de spéculation, d’accaparement, de monopolisation, ou autrement dit, les réseaux d’« affamement » –pour employer ce terme cher au Président- qui sont à l’origine de la flambée insupportable et effrénée des prix à la consommation. En deux mots, ce sont les intermédiaires qui tirent plein avantage de ce système, ou disons qui « continuent d’amasser les millions » –pour rester dans le jargon vulgarisateur du Président-, tandis que, et le producteur, et le consommateur, sont, en fin de compte, les seuls dindons de la farce.
Reste, qu’au-delà du message politique, à forte consonance sociale, qui se dégage de chacune des sorties médiatiques du Président, la lutte contre ces réseaux qui n’ont pas cessé de s’épanouir durant cette dernière décennie, devrait plutôt faire l’objet d’une véritable mobilisation à tous les étages. Autrement dit, afin de joindre réellement les « actes » à la « parole présidentielle », il faut que la « croisade », individuelle, de Kaïs Saïed –du moins c’est ce qu’elle a l’air d’être pour l’instant-, contre les fameux réseaux d’affamement, devienne, au plus vite, la lutte de tout l’Etat tunisien.
Ce qui nous amène, inéluctablement, à s’interroger sur le degré d’implication d’un certain nombre d’institutions étatiques directement concernés par cette question, et à leur tête le ministère du Commerce, toutes directions, administrations et brigades de contrôle confondues. Cela est sans compter l’implication, éminemment requise, de différents responsables du prochain gouvernement, sans exception, pour que de simples « velléités », pour le moment « impuissantes », se transforment en une véritable stratégie globale –écrite noir sur blanc- de lutte de l’Etat tunisien contre la flambée des prix.
Slim BEN YOUSSEF