Avec la nomination de la Professeure Najla Bouden à la tête du Gouvernement, le Président Kais Said signe son entrée dans l’Histoire, celle de la Tunisie dans la Modernité, et celle de la femme tunisienne dans sa pleine citoyenneté. Par cet acte audacieux, qui s’inscrit dans la lignée de Thar Haddad et de Bourguiba, qui perdure la réputation de la Tunisie en tant que pays d’exception dans le monde arabo-musulman, il faut le rappeler, le Président a réalisé un coup de maître, que personne des supposés démocrates et progressistes avant lui, n’a pu accomplir depuis la Révolution du 2010. À dessein ou à son insu, il a remis le pays sur l’axe de l’Histoire et a débloqué le temps politique nécessaire pour son épanouissement. 65 ans après la promulgation du code du statut personnel, la femme tunisienne et après une résistance de longue date voit une lueur d’espoir dans le choix d’une femme cheffe du gouvernement tunisien pour la 1ère fois dans l’histoire de la Tunisie. Une histoire où la femme a toujours joué un rôle déterminant mais qui s’est constamment trouvée écartée de la sphère publique pour des préjugés patriarcaux que certaines femmes ont fini par intérioriser.
Depuis la naissance de ce pays, grand de par son histoire, exceptionnel de par son mythe fondateur exclusivement féminin, et malgré les figures féminines diverses et variées qui ont marqué son histoire et son présent en contribuant, dans tous les domaines sans exception, à son évolution et à sa richesse, la femme continue de souffrir de cette mentalité patriarcale misogyne récalcitrante qui tente tant bien que mal à l’exclure, à lui discuter son droit à la citoyenneté et donc à prendre part à la Res publica. Il suffit de tendre l’oreille aux différents commentaires misogynes faits immédiatement le 29 septembre, date déterminante dans l’histoire de la Tunisie moderne, pour en avoir la preuve. Au lieu de s’attarder sur la qualité de professeure universitaire, qualiticienne, sur sa bonne réputation à l’échelle internationale, ayant pendant plus de 13 ans d’expérience dans la gestion de projets de grande envergure, le débat s’est porté, au contraire, sur des réflexions basées sur le genre. C’est par exemple le prix de ses chaussures, de ses lunettes et je ne sais quoi encore qui interpellent plutôt que son CV. Dans les infos, on la présente comme la fille de… et la femme de… comme si elle ne pouvait exister par elle-même ; comme si elle ne devait rien à elle-même, à son intelligence où à sa persévérance. D’aucuns l’évoque comme un simple pion du Président et prédisent déjà son échec avant même de constituer son équipe gouvernementale et parlent d’indicateurs d’échecs. Indicateurs qui n’ont pas été pourtant relevés auparavant pour ses homologues hommes dont l’incompétence et le double discours sont dignes d’être inscrits dans le Guinness Book des records.
Au même moment, et à longueur de journée, on voit défiler sur les réseaux sociaux les noms des femmes tunisiennes qui décrochent des records internationaux, qui brillent, qui sont reconnues un peu partout dans le monde pour leur compétence et leur intelligence dans tous les domaines y compris ceux longtemps considérés à tort comme l’apanage du masculin. Les Tunisiennes, compétentes, belles et libres, en dignes héritières des illustres dames de Carthage, font preuves d’excellence et sont souvent premières dans le monde arabe et en Afrique à force de persévérance et d’obstination : 1ère femme médecin (1936), 1ère conductrice de train (1958),1ère capitaine de bateau 1960, 1ère pilote d’avion (1962), 1ère ministre 1983, 1ère cheffe d’orchestre (1992), 1ère astronaute (2021), 1ère Universitaire, membre de l’Académie royale des sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique (2021), et les exemples sont légion…
Dernière réalisation en date et qui n’est pas des moindres et qu’on attendait à vrai dire depuis belle lurette, 1ère présidente du gouvernement (2021). Ce qui inscrit la femme tunisienne dans sa pleine citoyenneté et lui ouvre tous les champs du possible pour contribuer à sa manière à l’épanouissement du pays. Nous espérons la parité dans la constitution de l’équipe gouvernementale. Car, ce n’est que par la compétence de ses citoyens et citoyennes et leur patriotisme que la Tunisie peut renaître de ses cendres et sortir de sa crise. Espérons également qu’avec le temps la volonté politique ait raison de la mentalité archaïque récalcitrante et que la Mme Najla Bouden, n’oublie pas, dans la lourde tâche de Cheffe du gouvernementen tant de crise générale, le lourd héritage féminin qu’elle devrait honorer et pérenniser. Le défi est énorme, mais pas impossible. En attendant l’égalité en héritage et un jour, peut-être, l’égalité tout court.