La situation politique en Tunisie a été discutée aujourd’hui, mardi 19 octobre, en séance plénière au Parlement européen. La séance, qui a duré environ une heure, a compté 17 interventions des députés européens, outre une allocution inaugurale et un mot de la fin par le Haut représentant de l’Union Européenne (UE), Joseph Borell. A noter qu’une résolution sera soumise au vote, après-demain, jeudi 21 octobre.
Joseph Borell s’est dit préoccupé par le « grave défi auquel est confrontée la transition démocratique en Tunisie », appelant le Président Saïed à rétablir les travaux de l’Assemblée des représentants du peuple et à garantir l’Etat de droit. »
« Restaurer la normalité constitutionnelle »
Le Haut représentant de l’UE a rappelé que le Président Saïed, a limogé le Premier ministre, Hichem Mechichi et suspendu les travaux du Parlement en invoquant l’article 80 de la Constitution tunisienne. « Le Président Saïed a prolongé la suspension du Parlement, alors que la Constitution dispose que le Parlement ne peut être suspendu plus d’un mois », a signalé Borell, insistant sur le fait que cette conjoncture a suscité, d’après ses mots, « de vives inquiétudes ».
Borell a tenu à souligner que « l’objectif de l’Union européenne est de restaurer la normalité constitutionnelle en Tunisie », avant de marteler que des mesures concrètes devraient être prises au cours des prochaines semaines. »
Pour leur part, les députés européens ont convenu, lors de leurs interventions respectives, que la Tunisie est un « partenaire historique et solide de l’UE. »
Le Président Saïed, populaire mais…
Dans plusieurs interventions, les députés européens ont rappelé que des tensions politiques, des manifestations massives, ainsi qu’une détérioration de la situation économique, avaient poussé le Président Saïed à recourir à l’article 80 de la constitution tunisienne.
Les députés européens ont souligné l’énorme popularité de Kaïs Saïed en Tunisie, rappelant qu’il avait remporté les élections présidentielles avec plus de 72 % des voix, dont la plupart venant de jeunes âgés de 18 à 25 ans.
Certains députés ont considéré, néanmoins, que cela ne justifierait en rien la concentration des pouvoirs entre ses mains et la suspension du Parlement.
D’autres députés ont expressément appelé le Président Saïed à mettre en place un calendrier clair et à instaurer un dialogue avec la Société civile tunisienne et les différentes parties, soulignant l’importance d’associer en particulier les jeunes et les femmes à ce dialogue.
« La Tunisie est une démocratie confrontée à une double crise économique et politique. Un seul homme ne peut pas avoir tous les pouvoirs, dans une démocratie digne de ce nom », a martelé la députée européenne belge, Marie Arena.
« Une grande partie de la population tunisienne a une grande confiance en le président », a souligné la députée européenne française, Salima Yenbou, exprimant, néanmoins « ses préoccupations quant aux difficultés socio-économiques et budgétaires actuelles et à l’impératif pour la Tunisie de mettre en œuvre les réformes adéquates. »
« Ne pas sanctionner la Tunisie, mais l’aider ! »
Pour sa part le député européen français, Emmanuel Maurel, a appelé à « ne pas sanctionner la Tunisie, mais à l’aider », d’après ses mots.
De son côté, le député Thierry Mariani a défendu le Président Saïed, estimant qu’il est l’opposant acharné de l’islam politique tunisien, lequel a été aux commandes pendant toute une décennie, plongeant le pays dans un marasme sans nom. »
Pour sa part, le député Gilles Lebreton, visiblement ami de Saïed, a considéré que l’objectif de Saïed est d’instaurer une démocratie débarrassée de la corruption. « Je lui souhaite bonne chance et lui assure mon amitié et mon soutien, inconditionnels », a acclamé Lebreton.
De son côté, Nathalie Loiseau, députée française a critiqué ouvertement les positions antérieures de l’Europe vis-à-vis de la Tunisie : « Hier c’était le printemps, aujourd’hui c’est l’automne de la démocratie tunisienne. Mais où étions nous, ou était l’Union européenne lorsque le parlement accumulait les dérives, lorsque les Tunisiens étaient confrontés aux crises économiques et sociales. Nous donnons beaucoup de leçons mais nous ne donnons pas ce que compte le plus pour les tunisiens, à savoir l’espoir », s’est-elle indignée.
Situation politique et… flux migratoire !
Le député européen italien (démocrate), Andrea Cozzolino a assuré pour sa part, qu’« il faut soutenir l’effort de la Tunisie. Nous savons que les mesures de Saïed sont temporaires. Il ne faut pas aider la Tunisie en l’étouffant », a-t-il martelé.
Le député italien de droite, Vincenzo Sofo, a regretté, de son côté, que « le respect de l’état de droit » soit le seul problème mentionné dans la plénière. Discuter le flux migratoire de la Tunisie vers les pays européens et plus particulièrement l’Italie serait la priorité absolue, d’après lui. « La Tunisie ne doit pas tomber dans les bras d’autres puissances. C’est notre partenaire, on doit la soutenir », conclut-il.
Le député espagnol, Francisco José Millan Mon a estimé que La Tunisie subit de plein fouet plusieurs crises économiques, financières mais aussi politiques. Il a appelé le président Saïed à instaurer un dialogue sérieux pour sortir de la phase exceptionnelle. L’Union européenne doit soutenir la Tunisie dans ce processus ambitieux », a-t-il insisté.
A noter que Josep Borell a réitéré, dans son mot de la fin, son appel au Président tunisien Saïed à mettre en place un calendrier bien précis basé sur la séparation des pouvoirs et le respect de l’Etat de droit. Il a appelé le président Saïed à instaurer un dialogue inclusif qui tienne compte les aspirations du peuple tunisien. Avant de conclure : « Le Parlement européen attend des mesures concrètes de la part de la Présidence tunisienne. Sur la base de quoi, il agira en fonction . », a-t-il prévenu.
Rappelons que le Parlement européen avait estimé, dans communiqué publié jeudi dernier, que « le système démocratique de la Tunisie est menacé en raison de l’absence de séparation des pouvoirs ». Il a déposé une résolution qui a été discutée aujourd’hui en plénière. Cette résolution sera soumise au vote jeudi.
Slim Ben Youssef