Par Slim BEN YOUSSEF

Le « hashtag » de la haine ayant été gravé en lettres de sang, par les mains d’un élève-enfant, il va falloir s’astreindre, maintenant, à suer « sang et eau » afin de stopper l’hémorragie.

Car, si l’animosité, invisible, latente, délictueuse, se tient derrière une main enfiellée, quel cri se tiendrait alors derrière la langue, lorsqu’un professeur se fait poignarder par son propre élève, de sang-froid, à volonté, et se fait massacrer le crâne à coups de couperet ? Il y a des hurlements qui s’étouffent, des silences qui pèsent, une espèce d’insonorité assourdissante enveloppant les corps –ces deux corps- à ce moment-là, fort précis, quand l’aversion, interposée, longtemps inavouée, sous-jacente et inexprimée, se fait gicler brusquement à la lumière du jour. Brutalement. Dans une salle de classe, à l’intérieur d’une école. A 16h de l’après-midi.

Bon sang !

L’Ecole publique nage-t-elle, désormais dans son propre sang ?

Terrifié.e.s, terrorisé.e.s, scandalisé.e.s, les enseignantes et enseignants voient rouge, font la grève et se rallient en sit-in contre l’« horreur ». L’horreur… d’avoir enduré l’épreuve du sang. Plus jamais question, bien sûr, de croiser les bras. Difficile, par ailleurs, de ne pas adopter leur peine. De ne pas compatir à leur douleur. De ne pas comprendre leur colère. Impossible, au fait, de ne pas être solidaire.

Entretemps, voilà que « tout le monde » se contente seulement de regarder. De se gargariser devant le spectacle morose de cette âpre réalité. Il serait bien trop facile, certainement, de se prosterner devant le fait accompli. Facile aussi de compatir. Puis de s’emporter. Ruminer sa hargne. Sortir de ses gonds. Craquer et péter les plombs. Mais, il va falloir retenir son souffle. S’assagir. Se tenir à quatre et se mettre à réfléchir. Et puis, surtout, commencer à agir.

Agir ?

Illico presto. Sans trop palabrer, perdre son temps à « analyser », à donner des leçons, pendant des heures, à longueurs de jours et de nuits, sur les causes et conséquences, tenants et aboutissants –connus bel et bien de tous- de ce crime, bien trop prévisible pour ne pas pouvoir le voir venir. Un crime commis par l’Enfance contre son propre berceau.

Fier de l’annoncer, Tabboubi arracha, semble-il, la promesse d’un décret présidentiel incriminant la violence contre les enseignants. En face, le ministère de tutelle, et compagnie, font mine de compatir. Toujours prêts à coopérer, toujours préparés pour y remédier, pour « sauver », disent-ils l’Ecole publique. Mais où étaient ces autorités, pendant toutes ces années, lorsque le mal gangrenait déjà l’Ecole publique et que tous les « ascenseurs », dits « sociaux », étaient en train de se rouiller, de se toquer ou de tomber carrément en panne.

Une effusion de sang à l’école ? Les signes avant-coureurs sont désormais las de « courir ».