La Tunisie a été choisie pour abriter, en 2022, la 8ème TICAD (Tokyo International Conference on African Development), autrement appelée Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique. La Tunisie devient, ainsi, le deuxième pays africain après le Kenya, à organiser cet évènement de très grande envergure internationale, qui réunira plus de 54 Chefs d’Etat et Chefs de gouvernement.
A l’occasion de la tenue du Focus Japon qui se tient du 26 au 28 novembre, dans la Cité de la Culture, nous sommes allés à la rencontre de Son Excellence, Monsieur Shinsuke Shimizu, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Japon en Tunisie, pour parler du prochain sommet TICAD 8, et dresser un tour d’horizon sur les relations bilatérales tuniso-japonaises, les grands axes de la coopération entre les deux pays et les moyens de les développer. Interview.
Interview réalisée par Slim BEN YOUSSEF
LE TEMPS NEWS – Considéré comme un « prélude » de la TICAD 8, « Focus Japon » fait découvrir au public tunisien la culture japonaise, sous ses multiples facettes.
Son Excellence, Shinsuke Shimizu – La TICAD est un sommet international important sur le développement durable, qui aura lieu l’année prochaine en Tunisie. Il réunira un nombre important de pays africains partenaires. C’est en prévision de la TICAD que nous avons pensé à organiser ce Focus Japon. Nous avons développé un riche programme, grâce à l’intervention de la Cité de la Culture. Comme vous savez, la culture japonaise a des aspects traditionnels et contemporains. Nous avons essayé de mettre les deux éléments dans cette programmation qui aborde différents aspects de la culture japonaise.
Ce qui est caractéristique dans ce focus japonais, c’est la collaboration entre nos deux pays. Au programme, un spectacle de danse et un concert de musique, fruit d’une collaboration entre artistes japonais et tunisiens. Les deux orchestres, tunisien et japonais ont également collaboré pour donner un concert avec Amina Srarfi, première femme cheffe d’orchestre en Tunisie et dans le monde arabe.
La deuxième caractéristique, c’est la participation de nombreux artistes tunisiens, engagés dans la culture japonaise. Il y a des ateliers d’origami, l’art de pliage de papier, animé par Saoussen Laouiti, artiste tunisienne. Il y a aussi l’atelier de démonstration ikebana, il s’agit de la composition florale, animé par Chiraz Khrouf, artiste tunisienne qui a beaucoup appris de cet art floral du Japon.
J’espère que tout cela va intéresser beaucoup les Tunisiens et susciter des intérêts pour le Japon.
LE TEMPS NEWS – La TICAD 8 est un événement économique de très grande envergure internationale, qui aura lieu en Tunisie en 2022.
S.E. Shinsuke Shimizu – La TICAD est un sommet que nous avons créé en 1993 et que nous organisons tous les trois ans, d’une façon alternée, entre le japon et l’Afrique. C’est le plus ancien sommet international avec les pays africains. Après la TICAD, d’autres pays comme la Chine, les Etats-Unis, la France ont commencé à organiser des sommets similaires, mais la TICAD reste le premier sommet de ce genre.
Le dernier sommet a été organisé en 2019 au Japon. Le premier sommet organisé en Afrique a été tenu à Nairobi au Kenya en 2016. L’année prochaine ce sera la deuxième fois qu’on organise ce sommet en Afrique, et ça sera à Tunis. Ce sommet réunira 54 pays africains, représentés de haut niveau, par les Chef d’Etats ou de gouvernements.
Depuis 1993, la TICAD est basée sur deux principes : l’« ownership » et le « partnership ». L’ownership, c’est donner une responsabilité aux Africains à prendre des initiatives, tandis que le partnership, c’est un partenariat international qui se tient, justement, à ces initiatives.
L’année prochaine, le thème principal sera la reprise après la Covid avec « résilience ». Relancer l’économie avec un système sanitaire plus fort, procéder à la digitalisation de l’économie et se diriger vers une économie plus verte, seront les thèmes principaux du prochain sommet de Tunis.
LE TEMPS NEWS – Pourquoi avoir choisi la Tunisie pour abriter la TICAD 8 ?
S.E. Shinsuke Shimizu – La Tunisie était un choix naturel pour le Japon. La Tunisie était un cas de succès du printemps arabe. La démocratie était bien installée en Tunisie, lorsque l’Union africaine l’avait désigné, en 2020, en tant que candidat unique pour abriter la TICAD. Le Japon a bien évidemment accepté ce choix de l’Union africaine de choisir la Tunisie comme pays hôte de la TICAD.
LE TEMPS NEWS – Le Sommet de la francophonie, un autre événement de grande envergure internationale, et qui devait avoir lieu, cette année à Djerba, a été reporté à l’année prochaine, afin de permettre à la Tunisie, avait expliqué l’OIF, de l’organiser dans « les conditions les plus optimales ». Qu’en est-il de la TICAD ?
S.E. Shinsuke Shimizu – La TICAD aura bel et bien lieu en Tunisie. Nous espérons qu’elle se tiendra dans les meilleures conditions. Autrement dit, dans un climat d’affaires stable et attractif. L’accord avec le FMI est très essentiel pour améliorer le climat d’affaires. Il y a aussi d’autres facteurs comme l’aménagement du port de Radès et la simplification des procédures administratives.
LE TEMPS NEWS – La coopération japonaise dans le continent africain ne cesse de se développer au fil des années.
S.E. Shinsuke Shimizu – Il s’agit d’une priorité pour la diplomatie japonaise, c’est la raison d’organiser la TICAD tous les trois ans. Il y a des intérêts croissants des entreprises japonaises vers le continent africain. C’est un continent, où le taux de regroupement est le plus haut dans le monde, actuellement, et où il y a une forte augmentation de la population, et par conséquent une forte expansion du marché. Sans la prospérité et la stabilité de l’Afrique, le monde ne peut pas prospérer. Le Japon s’engage à coopérer avec l’Afrique.
LE TEMPS NEWS – La TICAD 8 constitue une opportunité importante pour intensifier la coopération bilatérale tuniso-japonaise. Quels sont les axes majeurs de cette coopération et les moyens de les développer ?
S.E. Shinsuke Shimizu – Notre coopération date de l’indépendance de la Tunisie. Elle a été fondé par des liens, surtout, politiques entre le Président Bourguiba et la famille politique que le Japon avait. Depuis, nous avons développé plus de 40 projets importants de développement pour un montant total de coopération qui dépasse les 3 milliards de dollars. Nous avons un partenariat privilégié avec la Tunisie, orienté vers le futur.
Je crois que le secteur privé et ses investissements jouent un rôle très important pour développer davantage notre partenariat. Nous avons actuellement une vingtaine d’entreprises japonaises basées en Tunisie. Nous assistons même, récemment, à une forte accélération des investissements japonais vers la Tunisie, dans le premier semestre de cette année. Les entreprises japonaises se positionnent en troisième position, en termes de montant d’investissement en Tunisie, après la France et l’Italie.
J’espère que cette tendance se confirme et s’accélère encore avec la TICAD, notamment si le climat d’affaires s’améliore pour attirer les investisseurs japonais. Comme je vous l’avais déjà dit, l’accord avec le FMI est très essentiel pour améliorer le climat d’affaires. L’aménagement du port de Radès et la simplification des procédures administratives sont également importants.
Si ces conditions se réunissent, nous espérons que, dans les prochaines années, les investissements japonais vont tripler, tout comme au Kenya où s’est tenu le TICAD en 2016. On peut espérer qu’une chose pareille se produise en Tunisie. En deux mots, je peux dire qu’il y a toujours un avant et un après TICAD ! (Rires)
LE TEMPS NEWS – Qu’en est-il du tourisme ? La Tunisie mise beaucoup sur ce secteur pour relancer son économie.
S.E. Shinsuke Shimizu – Le tourisme est un secteur très important pour la Tunisie. Le Japon a contribué au développement du tourisme. Malheureusement, l’affluence des touristes japonais a ostensiblement chuté, suite aux attentats terroristes perpétrés en Tunisie, et qui avaient pris la vie de trois Japonais. Depuis 2019, le nombre de touristes a remonté puisque la situation sécuritaire s’est améliorée, avant de chuter à presque zéro à cause du Covid. Avec la fin de la pandémie, j’espère que l’affluence va remonter.
Nous avons entamé, par ailleurs, des initiatives pour aider le secteur touristique tunisien. Nous avons créé, par exemple, un manuel pour accueillir les touristes japonais « à la façon d’hospitalité japonaise », mais avec les problèmes que j’avais cités auparavant, cette initiative n’a pas vraiment porté des fruits. En définitive, il faut œuvrer pour raviver la coopération dans le tourisme.