Par Raouf KHALSI
C’est déjà difficile que d’être femme en Tunisie. Et ça l’est encore davantage lorsqu’elle est propulsée aux avant-postes du commandement. Singulier paradoxe, lorsqu’on sait que la gent féminine cartonne dans l’enseignement.
Maintenant, ne faisons pas dans les clichés conventionnels et, surtout, ne cherchons pas du réconfort dans l’épopée féminine tunisienne. Car, l’histoire elle-même balbutie souvent.
Car, avec Najla Bouden, c’est tout un faisceau d’amalgames qui se meut autour. Un zeste de sexisme, une tonne de misogynie, sinon de la suspicion pour, finalement, faire dans la compassion et en arriver à plaindre la Cheffe du gouvernement. Cheffe du gouvernement, elle est bien Cheffe du gouvernement, et non pas premier ministre.
Que M. Taboubi qui a eu à traiter avec elle et dont il a, certainement, remarqué le sens de l’écoute, se laisse aller à des conclusions irrationnelles, cela surprend, mais ce n’est pas étonnant. Sans doute s’est-il excusé sur Attassia, mais il l’a fait au regard de la forme, plutôt la formulation, lorsqu’il a déclaré, la veille que Madame Bouden ne décide rien et qu’elle en réfère systématiquement au Président. Ces excuses, tiennent-elles au fond ? Aurait-il miraculeusement changé d’avis ? Non, les préjugés dans ce pays sont tenaces. La misogynie, elle, se manifeste toujours dans des accents irascibles, pour peu que les femmes dament le pion aux machos.
Ceci pour les écarts de langage et pour un certain syndrome, reflet de l’insidieuse montée d’un certain déni. Déni de tout ce qui s’est fait par et pour les femmes tunisiennes. Déni d’un certain Code du statut personnel. Du pain béni, enfin, pour tous les obscurantismes ayant trouvé leur terreau dans notre pays, sous la chape de plomb nahdhaouie, hormis la subversive face d’honorabilité et d’humanisme affichée par la secte.
Dès lors, il y aurait à se demander où Yadh Ben Achour a débusqué une âme d’islamiste masqué en Kais Saied. Préjugés charriant une espèce de subjectivité épidermique et qui lève le voile sur le côté passionnel des relations de nos élites avec le pouvoir.
Et, alors, les controverses peuvent enfler à l’envi. Quant à M. Taboubi, il est clair qu’il veut mettre la pression sur Madame Bouden. Cela se comprend : il est actuellement dans un tourment survivaliste. Sa survie syndicale passe par les prochaines négociations sociales. Parce que, justement, un jugement rendu en première instance délégitime le troisième mandat…
Trop compliqué ? Plutôt, élémentaire…