Des tirs de gaz lacrymogènes et des engins lanceurs d’eau (ELE), communément appelés « canons à eau », ont été utilisés, hier, par la police pour disperser des centaines de personnes qui tentaient de braver l’interdiction de manifester, décidée dans le cadre de mesures destinés à limiter la propagation de la pandémie du Covid-19, pour marquer leur opposition au président Kais Saied.
Un imposant dispositif policier a été déployé dès le petit matin pour empêcher les manifestants d’accéder à l’avenue Habib Bourguiba et empêcher toute tentative de rassemblement aux abords de cette artère principale de la capitale. Des barrages ont été dressés pour fouiller les piétons. Des dizaines de voitures de police et des engins lanceurs d’eau ont été placés à proximité du bâtiment du ministère de l’Intérieur.
Heurts musclés
De heurts entre les manifestants et les policiers qui tentaient de briser le cordon policier ont eu lieu dans les rues menant à l’Avenue Habib Bourguiba, comme la rue de Marseille, la rue Jean Jaurès, la rue de Rome et l’Avenue Mohamed. Un arrêt temporaire de la circulation a été décrété à l’Avenue Mohamed V où des dizaines de manifestants ont été dispersés à coup de gaz lacrymogène. Des interpellations de manifestants ont été également enregistrées.
Jawhar Ben Mbarek, un militant de gauche tunisienne à la tête du « Collectif citoyens contre le coup d’Etat » a été interdit sans ménagement d’accès à l’Avenue Habib Bourguiba. Une cinquantaine de personnes ont réussi à briser le cordon policier et sont parvenues à se rapprocher des bâtiments du ministère de l’Intérieur dans une rue adjacente de l’avenue Habib Bourguiba. « A bas le coup d’Etat », « le peuple veut la chute du coup d’Etat », « fidèles au sang des martyrs », « Saïed, suppôt d’al-Sissi et des Emirats » ont notamment scandé ces manifestants avant d’être pris à partie par la police et aspergés d’eau.
« Récriture de l’histoire »
Alors que la Tunisie fait face à une reprise fulgurante de l’épidémie de Covid-19, le gouvernement avait annoncé mercredi de nouvelles mesures sanitaires incluant un couvre-feu nocturne et une interdiction de tous les rassemblements pendant deux semaines à partir de jeudi 14 janvier.
Au mépris de ces restrictions sanitaires qu’elle considère comme étant un prétexte pour empêcher les mouvements de protestation dans le pays, plusieurs partis d’opposition ont maintenu leur appel à manifester.
Ennahdha, dans le viseur du président Saied qui a suspendu le Parlement que ce parti contrôlait depuis une dizaine d’années, a exprimé dans un communiqué son « refus de l’instrumentalisation politique de la situation sanitaire pour anéantir ce qui reste des libertés fondamentales ».
De son leur côté, les partis sociaux-démocrates Attayar, Ettakatol et Al-Joumhouri ont tenté, hier, d’accéder à l’Avenue Habib Bourguiba. « Malheureusement, la police a été impliquée dans la bataille politique par le président de la République.
L’Histoire en question
C’est triste de voir l’Avenue Habib Bourguiba transformée en caserne à la date de la révolution qui a balayé le régime dictatorial de Ben Ali le 14 janvier 2011 », a déploré le secrétaire général du parti Al-Joumhouri, Issam Chebbi. Et d’ajouter : « Kaïs Saïed ne réussira pas à effacer la date du 14 janvier et à réécrire l’histoire comme bon lui semble ».
Le locataire de Carthage avait décidé, le 2 décembre dernier, de faire célébrer l’anniversaire de la révolution de 2011 le 17 décembre, jour de son lancement, faisant valoir que la date du 14 janvier, censée marquer sa fin, n’était pas appropriée.
« Le 17 décembre est le jour de la fête de la révolution et ce n’est pas le 14 janvier comme cela avait été annoncé en 2011. L’explosion révolutionnaire est partie de Sidi Bouzid le 17 décembre 2010, jour de
l’immolation par le feu du vendeur ambulant Mohamed Bouazizi », avait-il expliqué à l’ouverture d’un conseil ministériel au palais présidentiel de Carthage.
Walid KHEFIFI