Par Badreddine BEN HENDA
Il y a quelques jours, j’ai demandé à une collègue de m’envoyer une copie de sa carte d’identité pour finaliser un dossier de redistribution des tâches au sein de notre association commune. Alors, elle a hésité à me l’envoyer rapidement; et quand je l’ai sollicitée de nouveau pour le même motif, elle m’a répondu qu’elle ne voulait pas « dévoiler ses données personnelles » ! Aujourd’hui, à la banque, l’agente à qui j’ai remis ce dossier, m’a posé ainsi qu’à la trésorière de l’association un tas de questions « incroyables » en plus de celles qui étaient sur les formulaires déjà remplis par nous deux. La banquière voulait savoir par exemple si mon accompagnatrice comptait partir prochainement à l’étranger, et si sa maison lui appartenait ou si elle en partageait la propriété avec quelqu’un d’autre !!!
Plus que surpris par les questions, ma collègue et moi avons tenu à comprendre pourquoi la banque avait besoin de savoir autant de choses sur ses clients. La dame nous a alors dit : « Ah ! C’est indispensable ! Toutes ces données sont essentielles dans le dossier de votre association ! » Ce à quoi je réplique : « Mais, madame, même au commissariat on ne me poserait pas des questions comme les vôtres ! ». Si ! Si ! m’a-t-elle tout de suite répondu ! Désormais, il en sera partout ainsi ! »
Ah ! Qu’est-ma première collègue (celle de la carte d’identité et des « données personnelles ») aurait dit à la banquière si elle était à la place de la trésorière !
Il se passe des choses bizarres depuis quelque temps avec les « damnées » données personnelles. Pas plus tard que ce matin (mardi 18 janvier 2022), l’Instance Nationale de Protection des Données Personnelles (INPDP) s’est trouvée obliger de préciser aux Tunisiens que la consultation populaire décidée par Kaïs Saïed et qui a déjà démarré vendredi dernier ne menace les données personnelles de personne puisqu’elle est anonyme.
Etrange, tout ce manège ! Voilà que les « damnées données personnelles » sont entourées de la plus stricte discrétion ! Sacrilège est toute personne qui ose fouiner pour vous les arracher ! Oui, les arracher à vous, chers compatriotes tunisiens qui ne voyez aucun mal à déballer tout votre linge sale à la télévision « devant 12 millions de Tunisiens » ! Avec un Alâa Chebbi, un Jâafar Guesmi, un Hédi Zâïm, sur Twitter, Facebook, Instagram, elles ne sont plus sacrées, vos damnées données personnelles ! Tous vos scandales passés, présents et même futurs éclatent le temps d’un interrogatoire télévisé, mené à la manière des enquêtes de la CIA, du KGB et de la Gestapo, et le temps d’un « post » sur les réseaux sociaux !
Quel mal, chers compatriotes, y a-t-il si un garçon de café, un chaouch, un vigile, une femme de ménage, ou même un gardien de parking sauvage vous demandent votre pass vaccinal et votre carte d’identité ?! Vous serez partout connus après ! Vous deviendrez célèbres aux portes de toutes les administrations et de tous les espaces publics ! L’autre jour, au siège du Registre National de l’Entreprise (RNE), le portier m’a tout de suite reconnu et sans me demander le moindre document m’a laissé entrer en disant : « Non ! Pas vous ! Je vous connais déjà ! Vous êtes revenus plusieurs fois ici « !
Qu’est-ce que j’étais content, à ce moment-là, et pendant tout le reste de la journée ! J’ai d’ailleurs raconté l’événement à mon épouse, à quelques voisins et amis friands de gloire ! Ils m’ont promis de ne plus rien cacher à qui que ce soit qui leur demande leurs « damnées données personnelles » ! Ils divulgueront tout désormais où qu’ils aillent : leur solde en banque, ce qu’ils ont mangé la veille dans le salon et ce qu’ils ont grignoté sous la couette, leurs amourettes, leurs infidélités, une ou deux maladies intimes, des « liaisons dangereuses » et aussi quelques « secrets de polichinelle » ! Ils sont prêts à tout, mes chers compatriotes, quand il s’agit de devenir STARS !