Par Badreddine BEN HENDA
Que prévoit l’Etat tunisien chaque année pour ses nouveaux diplômés ? Un remède presque unique : la « chôméothérapie »! C’est une méthode, un traitement, une cure, comme tant d’autres pour les aider à patienter, à apprendre la patience, à « tuer » le temps et à « chasser les mouches « en attendant de trouver du travail ! Lorsqu’un étudiant termine ses études et ses recherches universitaires, licence, master et même doctorat, on lui prescrit, selon le cas, trois ans de chômage au moins. Sinon, on augmente la durée et la posologie : 10 ans s’il le faut et sans interruption aucune, quel que soit le prétexte invoqué.
Il y a donc le chômage à plein temps ! Mais on peut prescrire un demi-chômage, un quart de chômage, un huitième, un seizième de chômage ! Avec auparavant des tours éliminatoires entre les candidats au chômage! On peut par exemple proposer des CDD : des contrats de courte durée, entre lesquels le candidat peut retrouver l’oisiveté initiale. Ou alors, des stages (non payés pour la plupart) : un premier dans une société d’assurances (pas concluant), un deuxième dans une banque (non concluant après la première semaine!), un troisième dans une société privée d’import-export, un quatrième chez X et un cinquième chez Y (tous non concluants, bien sûr)!
Un seul stage s’avère concluant: celui passé entre les cafés du quartier, de la ville ou du village ! La présence y est presque obligatoire et le pointage rigoureux : heureusement que le jeune habitué y a de la compagnie, en l’occurrence cinq ou six amis tout aussi inactifs que lui ! Là-bas, le chômeur suit diverses séances de formation « continue » : il s’exerce à tous les jeux de cartes disponibles; il fume à peu près toutes les marques de cigarettes bon marché; il apprend, selon les jours et son argent de poche, à goûter au café express, à l’allongé, au capucin, au direct, à l’américain, au thé vert ou noir, à l’eau minérale laissée par un client pas encore désargenté !
En formation à l’air libre, il apprend à connaître les noms des rues et des boulevards tant il les sillonne à longueur de journée ! Il compte les passants et surtout les passantes ! Il se spécialise dans les grignotages en tous genres : glibettes noires, glibettes blanches, glibettes turques, bâtonnets de kaki, miettes de pain sec, n’importe quoi qui se grignote ! Le temps ! Tiens ! Pourquoi pas ?! Il grignote des minutes, des heures ! Et les minutes et les heures de grignoter les jours et les années de ce jeune de 25 ans qui paraît en avoir le double depuis qu’on lui a prescrit, que l’Etat lui a prescrit, la fameuse… chôméthérapie !
B.B.H.