Il faut le dire d’emblée : l’annonce de la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature ( CSM) par le Président Saïed, semble avoir donné un « coup de pouce » énorme, en attendant le véritable « coup de grâce », à l’affaire Chokri Belaid-Mohamed Brahmi, qui n’a que trop duré. La dissolution de cette institution, éminemment controversée, et qui avait employé le vert et le sec des années durant pour entraver « le cours normal » de la justice, aura déjà pour premier mérite de déblayer le terrain, faisant résoudre un des hics et pas des moindres, avant de pouvoir aborder, s’il en est, l’essentiel du sujet, à savoir l’éclatement définitif de la vérité -toute la vérité !- au sujet de l’assassinat des deux martyrs.

De quoi « donner des ailes », visiblement, au collectif de défense de Belaid et de Brahmi, plus que jamais résolu, décidément, à battre le fer tant qu’il est chaud, en se mobilisant davantage sur le terrain dans la période à venir, à travers une série de sit-in et de rassemblements, à même de, sensiblement, « faire avancer les choses ». C’est ce qui ressortirait d’ailleurs, en premier lieu, à l’issue de cette conférence de presse organisée par le collectif, ce mercredi 9 février.

Des entraves à la pelle et lenteur délibérée

Au reste, les nouveaux « rebondissements » dans l’affaire Belaid- Brahmi n’ont pas manqué dans cette conférence de presse. Parmi les « révélations » phares : le lancement d’une enquête administrative, « ordonnée » par la ministre de la Justice Leila Jaffel, contre le Procureur de la République près la Cour d’appel pour avoir refusé de diligenter une enquête sur l’appareil secret du mouvement Ennahdha et sur la chambre noire, annonce Ridha Raddaoui, membre du Collectif.

Le procureur en question, précise Kouthayer Bouallègue, membre du comité de défense, a refusé l’application des instructions de la ministre de la Justice d’engager une enquête sur ces deux dossiers. Bouallègue a accusé, à cet effet, le président du CSM, Youssef Bouzakher, « d’être à l’origine de ce refus ». Des plaintes ont été déposées, par ailleurs, contre tous les juges qui n’ont engagé aucune action judiciaire dans l’affaire dite de l’appareil secret d’Ennahdha et de la chambre noire, a souligné le Collectif de défense, dénonçant une lenteur, qualifiée de « délibérée » pour dévoiler toute la vérité sur les assassinats politiques.

Selon Bouallègue, « l’enquête liée à l’appareil secret d’Ennahdha devrait concerner 26 personnes, alors que le procureur de la République n’a soumis en examen que 10 personnes et les 16 autres individus dont Rachid Ghannouchi, n’ont pas été entendus ni poursuivis ». Il a souligné que les deux juges d’instruction qui ont été saisis n’ont donné aucune suite et n’ont pris aucune mesure dans ce dossier, avant de demander leur mutation. Et d’ajouter : « Le Conseil supérieur de la magistrature a répondu favorablement à leur demande et le dossier a été oublié. »

Pour Faten Mahnaoui, membre du Collectif de défense, l’ancien Procureur de la République, Bechir Akérmi, « est impliqué dans l’affaire de l’appareil secret du mouvement Ennahdha et il est également visé pas quatre enquêtes, devant le tribunal de première instance de Tunis parmi lesquelles, deux enquêtes qui ont été soulevées directement par le ministère public. « Bechir Akérmi a commis des crimes contre la sûreté de l’Etat et a été monnayé au service des parties étrangères », a-t-elle accusé, ajoutant qu’il est aujourd’hui accusé de faux et usage de faux, de destruction de documents et de participation à un meurtre avec « préméditation ». Et d’ajouter : « Akrimi est aussi accusé par la justice militaire d’ « espionnage » et de « complot contre la sûreté de l’Etat ».

De l’argent sale et des écoutes téléphoniques

Autre révélation qui fait déjà l’effet d’une bombe : un dénommé Nejah Belhaj Ltaief, désigné par le collectif de défense de Belaid et de Brahmi comme étant « l’homme de main secret » de Rached Ghannouchi. Des messages sur la boite email de cet individu font état, d’après les enquêtes menées par le collectif, de la présence de deux comptes bancaires alimentés directement par le cabinet royal du Qatar, au profit du mouveme »nt d’Ennahdha. Le collectif de défense révèle que des virements de grosses sommes d’argent, dépassant s’il est en les 50 millions de dinars tunisiens, ont été effectués ces dernières années.

Et ce n’est pas fini, puisque le collectif de défense accuse Rached Ghannouchi et le PDG tunisien de l’opérateur téléphonique qatari Ooreedoo d’avoir été complices dans une louche affaire d’écoutes téléphoniques. Une affaire, dont les contours sont encore vagues, mais qui fera assurément couler beaucoup d’encre dans les jours et semaines à venir.

La conférence de presse du Collectif de Défense des deux martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, a été marquée, soit dit en passant, par la présence du bâtonnier des Avocats, Brahim Bouderbala, ainsi que de nombreuses personnalités publiques et dirigeants de partis politiques. Détail notable : le Collectif de défense a rendu hommage au secrétaire général d’El Watad, Zied Lakhdar, qui avait succédé à Chokri Belaid à la tête du parti.

Slim Ben Youssef