La dissolution du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) demeure un sujet brulant depuis plusieurs jours. Les réactions se multiplient entre ceux qui approuvent entièrement, ceux qui émettent des réserves et ceux qui rejettent tout en bloc.
Lors du conseil ministériel qui a eu lieu le 10 février 2022, le président de la République s’est exprimé sur la dissolution du CSM.
Le chef de l’Etat a indiqué que « l’actuel conseil est terminé, il sera remplacé par un autre »
La Tunisie doit être assainie…c’est la volonté des Tunisiens et l’assainissement passe, inéluctablement, par la justice qui constitue une question vitale, a t-il ajouté
Sommes d’argent inimaginables
Saied a, également, affirmé disposer de plusieurs dossiers sur les sommes d’argent inimaginables perçues par « certains qui affirment être indépendants ».
Il a précisé, à cet égard, que « la justice est une fonction, elle n’est pas un pouvoir et tous les juges sont soumis à la loi ».
Dans le même contexte, le président de la République a affirmé disposer de documents sur les biens détenus par certains juges et enregistrés sous de faux noms.
Il a cité les nombreuses affaires qui attendent d’être tranchées depuis des années par des juges qui prétendent être indépendants et que leur pouvoir surpasse tous les pouvoirs. Leur mission, telle que définie par la Constitution est d’appliquer la loi en toute neutralité, a-t-il dit.
Nous respectons les juges et nous avons de la considération pour leur travail qui doit, a-t-il encore insisté, être accompli en toute indépendance.
Un processus
Il est à mentionner que la ministre de la Justice Leila Jaffel a déclaré, le 9 février 2022, que « le Président de la République tient au CSM avec une « révision de la loi le régissant de manière à garantir les droits des magistrats, de leur permettre d’accomplir au mieux leur mission et d’assurer aux justiciables leurs pleins droits ».
« Le Président de la République a insisté sur la préservation du Conseil supérieur de la magistrature en tant qu’institution constitutionnelle garante de l’indépendance de la justice », a-t-elle indiqué, ajoutant que « le président Saïed a souligné que le processus de révision de la loi organisant le CSM sera démocratique et inclusif et permettra de garantir la justice pour tous ».
Selon la même source, une instance ou un conseil provisoire assurera le traitement des questions urgentes durant la prochaine période jusqu’à l’instauration d’un Conseil supérieur de la magistrature conformément à la nouvelle loi.
Le CSM pointé du doigt
Parmi les points qui ont été discutés lors d’une conférence de presse qui a eu lieu le 9 février 2022 figure le lancement d’une enquête administrative, « ordonnée » par la ministre de la Justice Leila Jaffel, contre le Procureur de la République près la Cour d’appel pour avoir refusé de diligenter une enquête sur l’appareil secret du mouvement Ennahdha et sur la chambre noire, annonce Ridha Raddaoui, membre du Collectif.
Kouthayer Bouallègue, membre du comité de défense, a précisé que le procureur en question a refusé l’application des instructions de la ministre de la Justice d’engager une enquête sur ces deux dossiers.
De sa part, le « mouvement du 25 juillet » avait appelé les organisations, les associations et les « forces vives » à manifester le 6 février 2022 devant le siège du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour réclamer sa dissolution.
Lors d’un point de presse tenu, le 5 février 2022, au siège de ce mouvement, à Tunis, le coordinateur général du mouvement, Nizar Tazni a qualifié le CSM » d’ une entrave à la justice « , notamment lorsqu’il est question du dossier des assassinats politiques.
Face au monde occidental
La Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a invité, mardi, le président Kaïs Saïed à restaurer le Conseil supérieur de la magistrature.
Les Ambassadeurs d’Allemagne, du Canada, des Etats-Unis, de France, d’Italie, du Japon, du Royaume-Uni, et de l’Union européenne en Tunisie se sont dit « profondément préoccupés » par l’annonce de la décision « unilatérale » du président Kaïs Saïed de dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), dont la mission est d’assurer le bon fonctionnement du système judiciaire et de garantir son indépendance.
L’Union européenne est « préoccupée » par la décision du président Kaïs Saïed de dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et insiste sur « l’importance de l’indépendance judiciaire », a affirmé lundi Nabila Massrali, porte-parole du Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell.
Rappelons que le 5 février 2022, le Président Kaïs Saïed, avait annoncé, dans une heure très tardive samedi soir, au siège du ministère de l’Intérieur, à Tunis, où il s’était réuni avec le ministre de l’Intérieur et plusieurs hauts cadres du département, la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature.
« Le Conseil supérieur de la magistrature peut, dès cet instant, se considérer comme appartenant au passé », a-t-il déclaré, affirmant qu’un décret sera pris incessamment.
Le chef de l’Etat, Kais Saied avait promulgué le 19 janvier 2022, un décret-loi modifiant la loi organique n° 34 de 2016 relative au conseil supérieur de la magistrature. Ce décret-loi met fin aux avantages et aux privilèges accordés aux membres du conseil.
Par ailleurs, lors de ce conseil des ministres, le Président est revenu sur le projet de réconciliation pénale. Il a encore précisé que ce projet porte sur les fonds détournés, ainsi que les préjudices infligés aux Tunisiens après 2011.
Deux autres projets, non finalisés, figuraient au programme dudit conseil des ministres.
Le premier concerne la Fondation FIDA sur la réhabilitation des victimes des institutions sécuritaires et militaires.
Le deuxième se rapporte à l’indemnisation des martyrs et des blessés de la révolution.
Ghada DHAOUADI