L’Observatoire tunisien de l’Economie a consacré le 13ème numéro de sa revue économique à la reprise du secteur du phosphate après 10 ans de récession. Une chute qui a eu des répercussions néfastes sur les ressources budgétaires de l’Etat, sur la richesse nationale et a biaisé la place de la Tunisie sur l’échiquier international en tant que leader mondial dans l’exportation du phosphate et dérivés. Les mouvements sociaux, les troubles politiques spasmodiques, l’arrêt successif de la production depuis la Révolution et la suspension du transport du phosphate par la Société Tunisienne du Chemin de Fer pour la substituer par des transporteurs privés sont autant de facteurs explicatifs de la descente aux enfers d’un secteur stratégique.
Depuis 2011, la production minière a enregistré une chute libre de plus de 50 %, passant de 8 millions tonnes en 2010 à 3,5 millions de tonnes en 2017. La reprise de la production dans les différents sites de production au cours du deuxième semestre de l’année 2021 et des principales lignes de transport, ont apporté une bouffée d’oxygène à la Compagnie de Phosphates de Gafsa après 10 ans de crise aigüe.
Hausse de 28,9% de la VA du secteur en 2021
En effet, la valeur ajoutée du secteur minier a augmenté au cours de l’année 2021 de 28,9% par rapport à 2020. Cette augmentation est due à la reprise partielle du secteur au cours de l’année 2021.
Le volume de la production mensuelle de la CPG est passé de 120 mille tonnes au cours du deuxième trimestre 2021 à 400 mille tonnes au cours du troisième trimestre 2021 en raison de la reprise d’activité dans les différentes unités de production à l’exception du site du Redeyef dont la production est suspendue depuis 14 mois.
Cette embellie s’est répercutée positivement sur la Compagnie de Phosphates de Gafsa. Laquelle a réussi à restaurer la confiance d’un client français qui a été approvisionné le 15 janvier 2022 en phosphate tunisien.
Effet multiplicateur sur le GCT, la société tuniso-indienne d’engrais et TIMAB Tunisie
Dans un deuxième temps, cette hausse a eu un effet croisé positif tant sur l’activité du Groupe Chimique Tunisien que sur la Société tuniso-indienne d’engrais. La CPG a pu tenir ses engagements vis-à-vis de ses clients locaux. Ainsi, la quantité de phosphate expédiée à la fois au GCT et à la Société tuniso-indienne d’engrais a augmenté de 44 % en 2021 par rapport à l’année antérieure. Par ailleurs, la disponibilité d’un stock important de phosphate commercial permettra à l’activité de fabrication d’engrais de se poursuivre sans interruption d’au moins deux mois.Rappelons qu’en 2020 et face à l’arrêt, à répétition de la production, le GCT a été contraint d’importer 40 000 tonnes de phosphate en provenance de l’Algérie et ce pour pouvoir honorer ses engagements en matière de production d’engrais. Et s’était une première historique pour la Tunisie, auparavant troisième producteur mondial de phosphate.La société « TIMAB Tunisie » spécialisée dans la fabrication de phosphates alimentaires s’est également redressé en rétablissant le schéma de production de 2010, lorsque la production nationale de phosphate était d’environ 8 millions de tonnes.
8 millions tonnes de production d’ici 2024
Par ailleurs et outre le regain de la production, l’OTE souligne la reprise du transport du phosphate par la ligne 14 qui relie la laverie Al-Madhila à l’usine Al-Madhila 1 et la 13ème ligne qui relie Gafsa à Skhira à raison de 4 wagons par jour. Du fait, la Société Nationale des Chemins de Fer Tunisiens a été capable de transporter 41 %de phosphate en 2021 et il est prévu que ce pourcentage augmentera avec la reprise de la ligne 15 Al-Matlawi – Oum laârayes – Al-Redeyf au cours du mois de février courant et les efforts déployés par la SNCFT pour réhabiliter 400 véhicules de transport du phosphate.
Les travaux de réaménagement de la ligne ferroviaire n°15 reliant Redeyef, Oum Laraâyes et Métlaoui prendront bientôt fin. Les inondations, qui ont été enregistrées dans plusieurs villes de la région de Gafsa au mois d’octobre 2017 ont causé l’endommagement de cette ligne ferroviaire de transport de voyageurs et de marchandises. Les travaux ont été interrompus sur fond de confinement général en 2020 et devront s’achever incessamment.
La reprise de cette ligne devra booster le niveau de production surtout que la Tunisie cherche à doubler sa production de phosphate d’ici 2024, et renouer avec les 8 millions de tonnes au cours des deux prochaines années contre 3,9 millions en 2021, ce qui lui permettra de regagner dans la course des grands mais surtout de mobiliser les devises et de renflouer la caisse de l’Etat dans cette période de disette de ressources.
Yosr GUERFEL AKKARI