La violence contre les enfants est un phénomène répandu dans le monde et qui date depuis des années, voire  des décennies .

Malgré les conventions et les lois interdisant la violence contre les enfants, ce phénomène persiste encore, et  même dans les pays occidentaux.  En Allemagne, par exemple, le sondage du Forsa-Institut publié dans le magazine parental allemand Eltern indique que « près de la moitié des parents allemands a recours à la violence envers leurs enfants.   »

De l’autre côté du monde, on entend parler, parfois, des agressions auxquels sont soumis des enfants au sein des jardins d’enfants anarchiques, aux écoles ou même au sein de leurs familles.

En Tunisie, nous ne sommes pas en reste. Si la violence contre les enfants n’est pas enregistrée en milieu parental, elle migre dans les milieux scolaires, dans les crèches, dans la rue bien sûr, mais, systématiquement, elle retrouve son terreau dans le milieu parental et familial, juste pour utiliser un « anti-symbolisme ».  Dans une société névrosée, où tous les déterminisme parental restent figés, les enfants sont martyrisés, hormis toute la panoplie de lois conçues pour les protéger.

Piqures au visage…

Les images sont horrifiantes. Choquantes. Le 15 février 2020, une photo  d’une fillette de Sidi Bouzid, ayant fait l’objet de maltraitance de « la 5ème dimension  » a provoqué une véritable déferlante sur les réseaux sociaux.

La photo montre la fillette avec sept ans avec des traces de piqures d’aiguilles sur son visage.

La ministre de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Personnes âgées a chargé, ainsi, le délégué général de protection de l’enfance de se saisir, immédiatement, de cette affaire, lit-on dans un communiqué rendu public .

Selon la même source, le ministère de la Femme révèle que l’identité du père, celle  de son épouse et leur adresse ont été établies,  en coopération avec les autorités locales.

A noter qu’en coordination entre le délégué de l’enfance et la juge de la famille, les mesures préventives ont été prises.

Article  accablant!

Dans un article intitulé  » réponse de l’UNICEF aux instances de violences Contre les enfants en Tunisie » , l’organisation a indiqué qu’en Tunisie, plus de 80% des enfants subissent des violences au sein de leur famille.

Selon le rapport « analyse de la situation des enfants en Tunisie », l’UNICEF a précisé que la Tunisie est l’un des pays de la région MENA où les jeunes enfants subissent le plus de
violences à visée « disciplinaire ».

L’organisation a, également, noté qu’en Tunisie, de nombreux enfants, notamment des filles, sont victimes de violences multiformes et d’exploitation depuis la petite enfance jusqu’à l’âge adulte.

En 2018 , parmi les enfants de 1 à 14 ans, 88,1% sont victimes de méthodes
de discipline violente (contre 93,2% en 2011-12) : 84,2% sont victimes d’agressions
psychologiques et 22,6% de châtiments corporels sévères.
En 2018, chez les enfants de 3 et 4 ans, ces indicateurs sont encore plus élevés : 84,4% et
80% respectivement, lit-on dans le rapport.

D’après la même source , 17 449 cas de violences ont été rapportés, en 2018, au délégué à la protection de l’enfance (DPE), contre 5 992 en 2011-2012 : 33% des cas concernaient des violences psychologiques,
30% des violences physiques et 11% des violences sexuelles. Au total, 59% des cas rapportés
avaient eu lieu dans le milieu familial et souvent par un parent tandis que 19% avaient été
commises dans des institutions publiques, souvent par un personnel éducatif ou un travailleur
social.

Il est à mentionner que le châtiment corporel est la forme de violence la plus répandue à l’encontre des enfants. Ce terme recouvre tout châtiment impliquant l’usage de la force physique et visant à infliger un certain degré de douleur ou de désagrément, aussi léger soit-il. C’est là une violation des droits de l’enfant au respect de la dignité humaine et de l’intégrité physique, selon le Conseil de l’Europe.

Que dit la loi?

Selon l’article 19 de LOI NO. 95-92 du  9 novembre 1995, relative à la publication du code de la protection de l’enfant, iI est interdit d’exploiter l’enfant dans les différentes formes de criminalité organisée, y compris le fait de lui inculquer le fanatisme et la haine et de l’inciter à commettre des actes de violence et de terreur.

D’après l’article 20, sont considérés, en particulier, comme des situations difficiles menaçant la santé de l’enfant ou son intégrité physique ou morale:

  •  la perte des parents de l’enfant qui demeure sans soutien familial
  • l’exposition de l’enfant à la négligence et au vagabondage
  •  le manquement notoire et continu à l’éducation et à la protection
  • le mauvais traitement habituel de l’enfant
  •  l’exploitation sexuelle de l’enfant qu’il s’agisse de garçon ou de fille
  • l’exploitation de l’enfant dans les crimes organisés au sens de l’article 19 du présent code
  • l’exposition de l’enfant à la mendicité et son exploitation économique
  •  l’incapacité des parents ou de ceux qui ont la charge de l’enfant d’assurer sa protection et son éducation.

 

« Toutes les violences ont un lendemain »

Certains parents ferment  les  yeux sur les répercussions de la violence sur la psychologie de l’enfant puisque « toutes les violences ont un lendemain » comme a dit Victor Hugo.

A noter que selon le rapport « Analyse de la situation des enfants en Tunisie » les violences faites aux enfants ont des effets destructeurs sur les enfants et la société tout entière. En effet, 34,6% souffrent de dépression, 15,4% de symptômes de dépression et certains individus tentent de se suicider. De plus, 12,8% présentent des troubles graves, notamment de l’incontinence urinaire, des comportements agressifs, des insomnies, une baisse des performances scolaires, des attitudes de retrait et 10,3% souffrent d’anxiété.

Effets psychologiques, dépressions nerveuses, dérèglement psychosomatique, manque de confiance en soi, l’enfant maltraité intériorise « son martyr », ne sachant trop à qui s’adresser mais, surtout, réduit à s’emmurer dans le tabou parental.

Freud a bien disséqué les dérives psychanalytiques germant silencieusement dans la psychologie de l’enfant écrasé par le « modèle parental introjecté », modèle où le « sur-moi », selon la sémantique utilisée dans ses recherches prend le dessus sur les autres strates de la personnalité de l’enfant.

Mais sans trop s’engager dans les concepts freudiens, le diktat des parents, accompagné de violences en tous genres, fabrique des bombes à retardement.  70% des psychopathes ont vécu une enfance douloureuse. L’homosexualité a, elle aussi, un bon pourcentage. Sinon, c’est la délinquance juvénile, prélude à la criminalité, sinon au radicalisme religieux.

Et ces dérives n’ont pas de sexe. Mais elles ont, en commun, une certaine …enfance spoliée.

 

 

Ghada DHAOUADI