L’inflation aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans la zone Euro n’a jamais atteint un niveau aussi élevé depuis le début des années 1990 et pourrait encore augmenter au cours des prochains mois (graphique 1). Cette situation devrait continuer à susciter des critiques désagréables pour les responsables politiques de la Banque d’Angleterre (BoE), de la Réserve Fédérale Américaine (Fed) et de la Banque Centrale Européenne (BCE).
Graphique 1 : IPC dans les principales économies développées
(Pourcentage de variation en glissement annuel)
Les mesures de relance prises en réponse à la pandémie mondiale ont été importantes au cours des deux dernières années. Outre les mesures de relance budgétaire prises par les gouvernements, les banques centrales ont fourni une impulsion monétaire par le biais de baisses des taux d’intérêt et d’achats d’actifs. Une politique de soutien aussi importante était nécessaire pour éviter une récession beaucoup plus profonde et plus longue. En effet, il a permis aux principales économies développées de se redresser fortement en 2021 (graphique 2).
La gravité sans précédent de la pandémie et de la politique de relance d’urgence rendait leur impact sur l’économie incertain. En effet, les chèques de relance envoyés aux ménages aux États-Unis et les plans de licenciement dans les trois grandes économies ont été particulièrement efficaces pour soutenir les revenus et la demande des consommateurs. La demande étant plus forte que l’offre, les prix à la consommation (IPC) ont augmenté, entraînant l’inflation dans les principales économies développées.
La récente hausse des prix de l’énergie est un autre facteur qui aggrave l’inflation. La demande d’énergie a été soutenue par des mesures de relance et s’est rétablie progressivement suivant l’évolution de la pandémie. En revanche, l’offre d’énergie a été fortement réduite lors de de la pandémie et s’est rétablie progressivement, entraînant un resserrement des marchés de l’énergie et une hausse des prix. L’énergie est un facteur significatif qui agit sur l’inflation dans les économies avancées et les prix de l’énergie se répercutent progressivement sur l’économie. Par conséquent, les augmentations des prix de l’énergie au cours des derniers mois signifient que l’inflation est susceptible d’augmenter encore avant d’atteindre un pic dans le courant de l’année.
La BoE a déjà augmenté les taux d’intérêt britanniques à deux reprises, à partir de décembre. Et la Fed a accéléré la réduction de ses achats, de sorte que les taux d’intérêt pourront être revus à la hausse à partir mars. En revanche, en raison de la faiblesse de la reprise et de l’inflation dans la zone euro, la BCE ne devrait pas majorer ses taux d’intérêt avant le second semestre de l’année.
Graphique 2 : PIB des principales économies avancées
(Prix constants, variation en pourcentage d’une année sur l’autre)
Le fait que l’inflation soit si élevée, et probablement encore en hausse, met les responsables de la politique monétaire sous pression pour un resserrement agressif de la politique. Nous nous attendons à ce que les banques centrales suppriment rapidement le soutien d’urgence, mais qu’elles soient réticentes à une hausse trop importante et trop rapide des taux. Trois points clés soutiennent notre point de vue.
De prime abord, l’inflation est actuellement élevée et pourrait encore augmenter avant de culminer, ce qui risque de désancrer les anticipations d’inflation. Depuis l’adoption du ciblage d’inflation dans les années 1990, les banques centrales ont mis l’accent sur l’ancrage des anticipations d’inflation à leurs objectifs d’inflation. Cependant, avec une inflation aussi élevée, et susceptible d’augmenter encore au cours des prochains mois, il existe un risque croissant que les anticipations d’inflation perdent leur ancrage, entraînant une spirale salaires-prix. Par conséquent, les banques centrales doivent agir rapidement pour supprimer les mesures de relance d’urgence afin de rester crédibles par rapport aux objectifs d’inflation.
Ensuite, la baisse record des taux d’intérêt a provoqué de graves perturbations sur les marchés financiers. Le prix de nombreux actifs est influencé par la méthode d’évaluation des flux de trésorerie actualisés (DCF), selon laquelle la valeur des flux de trésorerie futurs est réduite, ou actualisée, par le taux d’intérêt. Cela signifie qu’une hausse trop rapide des taux d’intérêt pourrait entraîner une forte baisse du prix de certains actifs. Par conséquent, les banques centrales devront veiller à communiquer clairement leurs intentions et pourraient ne pas être en mesure de relever les taux trop rapidement de peur de provoquer une instabilité financière.
In fine, la reprise économique a été rapide en 2021, mais elle devrait se modérer naturellement en 2022 et 2023. Ce ralentissement attendu de la reprise de l’activité économique (PIB) devrait permettre à l’inflation de revenir vers la cible sans qu’il soit nécessaire d’augmenter fortement les taux d’intérêt (graphique 2).
Les gouverneurs des banques centrales ont tenu un discours musclé pour maintenir la crédibilité des objectifs d’inflation et garantir l’ancrage des anticipations d’inflation. Ils doivent maintenant passer de la parole aux actes et agir. Par conséquent, nous pourrions assister à une hausse agressive de 50 points de base (pb) ou à une série de hausses mensuelles de 25 pb, de la part de la Fed ou de la BoE au cours des prochains mois. Toutefois, cela pourrait facilement déclencher la volatilité sur les marchés financiers et même entraîner de fortes baisses du prix de certains actifs.
Graphique 3 : Taux directeurs implicites du marché
(Pourcentage en glissement annuel)
Nous prévoyons alors un retour à une hausse plus régulière et graduelle des taux d’intérêt, ce qui est globalement conforme aux attentes du marché (graphique 3). Si les banques centrales choisissent de relever les taux d’intérêt de manière plus agressive, il existe un risque important qu’elles provoquent l’instabilité et la volatilité des marchés financiers.