En 2020, 1,5 million de tunisiens ont déjà payé 570 millions de dinars de pots-de-vin, révèle une étude sur la petite corruption en Tunisie menée par l’Association tunisienne des contrôleurs publics en collaboration avec le Centre national des tribunaux d’Etat.
La petite corruption, appelée corruption administrative, a encore gagné du terrain avec la pandémie de Covid-19, enregistrant ainsi une hausse de 21% par rapport à 2014, souligne cette étude rendue publique, lors d’une conférence de presse tenue, mardi, à Tunis.
D’après la même source, la valeur d’un seul pot-de-vin est passée de 217 dinars en 2014, à 375 dinars en 2020, ajoutant que 76% de ceux qui ont eu recours à cette corruption sont des hommes, contre 24% des femmes. La tranche d’âge de ces personnes varient entre 26 ans et 45 ans, révèle l’étude.
« Perception de la corruption » et climat d’affaires
Selon cette étude, financée par l’ambassade américaine, et qui a été menée auprès d’un échantillon de 1000 personnes, 19% des sondés ont versé un pot-de-vin. Ce taux est presque conforme à l’Indice de Perception de la Corruption 2019, de l’Organisation de la transparence internationale (Transparency International 18%), ce qui place la Tunisie au même rang que l’Afrique du Sud, la Bulgarie, le Panama, et la Colombie
Les résultats de l’enquête ont révélé que la tranche d’âge entre 26 et 45 ans est celle qui paye le plus de pots de vin. Selon la même étude, le niveau d’instruction n’a pas d’impact sur le volume de corruption en Tunisie. En effet, les taux de personnes qui payent des pots de vin ont des niveaux d’éducation primaire, secondaire et universitaire, contrairement aux conclusions auxquelles sont parvenues plusieurs études stipulant que la hausse du niveau d’instruction dans un pays réduit le phénomène de corruption.
Par secteurs, les résultats de l’enquête montrent que les secteurs dans lesquels la corruption est la plus répandues sont la sécurité (50%), la santé (20%), les collectivités locales (1 4%), et les établissements publics de tout type (10%). Les autres secteurs demeurent concernés, à des degrés moindres, par la corruption, à l’instar de l’équipement, des banques et du transport et même les syndicats et les partis politiques.
Les appréciations par régions montrent que 10 gouvernorats ont réalisé des résultats au dessus de la moyenne nationale (oscillant entre 30% à Béjà et 28% à Kasserine), alors que trois gouvernorats (Monastir , Nabeul et Tunis) sont au même niveau que celui réalisé à l’échelle nationale, 6 gouvernorats entre 17% et 10% dont trois relèvent de la région du sud (Médanine Kébili et Tatouine).
La plupart des professions du secteur privé sont les plus concernées par la corruption. En effet, les professions libérales, les chefs d’entreprises, les cadres moyens du secteur privé ou les agriculteurs ont donné un pot-de-vin avec des taux qui ont dépassé la moyenne nationale ce qui constitue, selon l’étude, un » indicateur d’un mauvais climat d’ affaires ».
« Petite » et « grande » corruption
Quant aux professions du secteur public et les retraités, ils donnent moins de pots-de-vin (10% des employés et 3% des enseignements). A noter que ces faibles taux ne signifient pas l’absence de corruption au sein de cette catégorie, selon les auteurs de l’étude, mais peut refléter d’autres faces de corruption comme le clientélisme et les services rendus.
En ce qui concerne les formes de corruption les plus courantes auprès des Tunisiens, tous s’accordent sur le fait que les pots-de-vin, le régionalisme et le clientélisme reflètent clairement une situation de corruption. Quant aux cadeaux et au favoritisme, ils sont considérés comme une pratique normale par une grande partie des citoyens, selon l’étude. S’agissant des types de corruption les plus connus auprès des tunisiens, 86% des sondés estiment que le phénomène s’est beaucoup aggravé en 2020, contre 4% exprimant le contraire.
A rappeler que la « petite corruption » se produit lorsqu’une personne soudoie des fonctionnaires, comme des policiers, des professionnels de la santé ou des agents des douanes, dans le but de bénéficier d’un traitement préférentiel ou d’accélérer des démarches bureaucratiques. Même si les sommes en jeu sont généralement faibles, la petite corruption est considérée comme répandue et difficile à éradiquer.
En revanche, la « grande corruption » se produit lorsque de hauts fonctionnaires exploitent leur situation d’autorité au sein du gouvernement pour se procurer des avantages personnels. Il s’agit par exemple de fonctionnaires qui reçoivent des pots-de-vin d’une entreprise en échange d’un contrat gouvernemental.