Par Raouf KHALSI
A quoi sert une constitution ? Elle doit être respectée, appliquée à la lettre-fut-elle truffée d’avatars- sinon à être formellement chérie, mais sans cesse violée, ou alors sommée de rester figée à l’infini…Jusqu’à nouvel ordre, jusqu’à un renversement de situation et, du coup- divine providence ! – cela se fait selon les « préceptes » constitutionnels.
Est-ce le cas du coup du 25 juillet ?
Les constitutionnalistes de chez nous sont divisés sur la question. Kais Saied, avant-hier, en relais avec le Conseil des droits de l’homme, a avancé un raisonnement tout à fait cohérent en la forme : la constitution garantit les droits et les libertés et l’Etat d’exception est sanctifié par la constitution.
Bien des observateurs affirment que c’est vrai, mais que c’est un raisonnement fallacieux. Sauf que, pour paraphraser le titre d’un ouvrage écrit par un opposant à Poutine : « Rien n’est vrai, tout est possible ».
Et, alors, qu’est- ce qui n’est pas vrai et qu’est-ce qui est possible ?
Remontons le cours du temps, jusqu’à la chute de l’ancien régime et l’avènement d’une « nouvelle Tunisie », janvier 2011.
Nous avions, tous, naïvement cru en la « défatalisation » de l’Histoire. Finie la fatalité de la dictature, croyions-nous. Au fil des années, au fil des soubresauts politiciens, nous ne prêtions pas l’oreille aux grondements souterrains, ni ne voyions les fissures et les délabrements sur le sol de nos nouvelles certitudes. Nous voyions, haute béance, s’ouvrir devant nos yeux, l’ère de l’obscurantisme drapé d’une démocratie de façade, l’endoctrinement d’un autre âge et l’asservissement des institutions selon des modèles faits pour anéantir l’Etat.
Gramsci a raison : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ».
C’est que le nouveau monde, pompeusement annoncé avec « la meilleure constitution du monde(justement) », ne pouvait pas naître : c’est que pendant cet interrègne (toujours Gramsci) on observe les phénomènes morbides les plus variés.
Le 25 juillet ne devenait-il pas, dès lors, un impératif historique ? N’est-il pas toujours une exigence historique, libératrice ?
Soit. Mais, sept mois après, on est en droit de se poser des questions : d’où vient que ceux qui imploraient Saied d’oser, d’user de ses prérogatives souveraines, de libérer le pays du joug de la dictature islamiste se retournent maintenant contre lui ?
Oui, dans ce paysage, rien n’est vrai et tout est possible.
A maintes reprises, Saied s’est insurgé contre ceux qui lui prêtent des réminiscences dictatoriales. Exactement comme De Gaulle après son coup de 1958, là où il dégageait la constitution de l’asphyxiante discrétion des partis.
Est- ce ça une dictature ?