Par Raouf KHALSI
Ce pays est-il voué à l’isolement ? Est-il, à ce point, conspué par les instances internationales et, face à un paysage quelque peu surréaliste (le nôtre), le système politique actuel relèverait-il, à ce point, de l’hérésie ?
Il est clair que le Président a opté pour sa révolution à lui. Celle de 2011 ne serait que subterfuges à ses yeux. Et presque tous les Tunisiens n’en pensaient pas moins, avant le 25 juillet. Une révolution récupérée par les démons, voilà ce qu’elle aura fait subir aux jeunes, ceux-là mêmes qui l’ont faite. Et, aussitôt, ils en ont été éjectés.
Kais Saied n’aurait-il pas conscience de l’empressement de ces jeunes à se replacer dans l’épicentre historique du 14 janvier 2011 et, bien plus, dans le 17 décembre 2010 ?
Si la sensibilité des jeunes (qui ont vieilli, depuis) ne tenait qu’à une consultation, les statistiques et les sondages, ces redoutables « jeux de mots des chiffres » auraient donné au Président de réels motifs de croire en son pouvoir messianique. Or, voilà qu’il y a désaffection. Déni même. Si ce n’est de l’indifférence…
On ne peut pas gouverner un pays à coups de plébiscites déguisés. Et, à plus forte raison, quand le Président crie systématiquement à la chasse aux sorcières.
Pourtant, les décrets qu’il vient de signer ont quelque chose de positif, hormis certaines incompréhensions méthodologiques autour des Sociétés citoyennes : comment ? Par quels mécanismes ? Orthodoxie kadafienne ou résurgence d’un certain collectivisme ?
La réconciliation pénale ? Saied dit qu’il y a 13 .500 milliards de dinars à récupérer auprès de ceux qui ont spolié le peuple. Soit. Mais qu’en reste-t-il, dès lors que l’establishment de dix années de pouvoir tentaculaire s’y est servi le premier ?
Ascétique, puritain comme la Reine Victoria, il croit pouvoir purifier le pays en un claquement des doigts. Sauf que la pieuvre est autrement plus forte, plus tentaculaire…
Du coup, le Président atypique qu’il est ne fait plus confiance à personne. Entre allégories inaudibles, pamphlets frénétiques, sa croisade contre la corruption tourne au Donquichottisme. Peut-être, est-il dans une élévation « prophétique » …Tout cela est à son honneur, pas forcément à son crédit. Car il serait temps qu’il se fie à ce gouvernement, un gouvernement composé de compétences de premier plan. Il serait temps qu’il comprenne ce que Finances et Economie veuillent bien signifier : c’est une affaire de professionnels. C’est l’affaire d’une Administration tunisienne qui est en train de tout supporter sur ses épaules.
En un mot : c’est cela l’Etat !