Par Raouf KHALSI
Noureddine Taboubi qui déclare tout haut, et à la face de Ghannouchi, que l’UGTT refuse toute tenue de session parlementaire ; Abir Moussi qui emprunte les voies judiciaires (sans succès) pour faire capoter les rugissements du « président » gelé d’un parlement déchu : à l’évidence, ces appels du pied ne chatouillent pas la sensibilité de Saied !
Seul contre tous ? A croire qu’auréolé des scores aux sondages, Saied est dans une singulière configuration arithmétique. Le meilleur régime selon lui ? Le peuple+ le Président, serait-on tenté de croire ! L’ennui, c’est que nous sommes dans une République qui a ses règles, et que ces règles sont au-dessus de la coloration du régime, indépendamment de son orientation politique et de ses déclinaisons politiciennes.
Qu’un Président aussi massivement élu n’en réfère et ne se sente redevable et responsable que devant « ce peuple qui l’a voulu », cela ne s’appelle pas vulgairement : « populisme ». Le populisme, en sociologie politique, est ce caméléon qui fait prendre au peuple les teintes et les coloris de l’oligarchie dominante. Ça peut balancer entre l’extrême droite (le fascisme donc) et l’extrême gauche (l’égalitarisme fallacieux). En tous les cas, nous serions curieux que quelqu’un (ou quelques-uns) nous édifient quant à « ce populisme » de chez nous, sachant que, depuis deux ans et, encore plus, depuis le 25 juillet, on ne fait que défoncer des portes ouvertes.
Or, précisément, il y a deux Saied. Et le premier (le Président élu, mais contraint à la simple rhétorique du rôle) aura vite été constitutionnellement délogé par le deuxième (celui du 25 juillet) pour être remis au cœur d’un système inédit et où il représente le centre de gravité. Comment dialoguent les deux Saied ? Sur quels points sont-ils d’accord ?
Le premier Saied faisait le Président constitutionnel : il se conformait aux règles, aux textes, sans les aimer, quoiqu’ils l’aient fait élire. Bien tendu, on devait bien se douter qu’il ne renoncerait jamais à son idéologie et sa vision révolutionnaire du peuple.
Le deuxième Saied (celui du 25 juillet) vient le secouer. Après avoir commis lui-même des erreurs de casting (Fakhfakh, puis Mechichi) il s’est laissé conseiller par Abbou : l’article 80. Et, c’était la dernière fois qu’il se laissait conseiller !
Or, aujourd’hui, il y a un Etat à rebâtir. Et il ne saurait indéfiniment ignorer les institutions, ignorer l’UGTT, ignorer la Société civile et, même, ignorer les partis, du moins ceux qui n’ont pas vendu leurs âmes à Méphisto.
On a bien vu le sursaut contre la plénière de Ghannouchi. Simplement parce que celui-ci reprend du poil de la bête avec la visite de la sous-secrétaire d’Etat américaine…Saied s’en est tenu au Conseil de sécurité nationale. Ignorant, malheureusement, ceux qui sont du même côté que lui…