Par Raouf KHALSI

Pour mettre sur pied un dialogue, il faut au moins être à deux, de préférence plus.  Et lorsqu’il s’agit d’un dialogue qui engage l’avenir immédiat du pays, toutes les sensibilités, toutes les organisations et la société civile ne sauraient être flouées. Parce que, justement, ce dialogue s’étire et, si les uns et les autres jugent qu’il est indispensable, autant s’y mettre et tout de suite.

Or, nous sommes en plein dans le flou artistique. A savoir que nous ne saurions dire si Kais Saied n’y consent pas à contrecœur, même si le Syndicat, le Patronat, la Ligue des Droits de l’Homme et l’Ordre des avocats se sont alignés sur les trajectoires de sa conception de la chose. A moins que l’exigence présidentielle ne tienne à l’alignement des planètes.

Pour autant, il est tout à fait logique que les personnages clivants, tout autant que le noyau de la ploutocratie ayant conduit le pays à sa perte, ne soient pas sollicités dans ce forum qui ne peut être qu’inclusif.

De surcroît, un Dialogue serein, conduit par le Président, mais s’appuyant aussi sur les éternelles forces vives du pays que représentent les organisations nationales et la société civile, c’est ce que  veulent le FMI, l’Union Européenne. Sans doute, Saied a-t-il quelque part raison de mettre un bémol : ce dialogue se fera selon nos règles, pas en fonction des leurs.

Maintenant, la question incontournable tient à la participation des partis, et lesquels.

Un peu trop sélectif, le Président qui n’a jamais cru en la démocratie partisane, les met tous (ou presque) dans le même sac. Plus encore, les partis ayant eu des représentants dans les gouvernements ayant précédé le 25 juillet, font l’objet d’un jaugeage minutieux. Or, il se trouve que des partis qui l’ont soutenu, comme Attayar et Achaâb, ont eu leurs pans de gouvernance. Alors même (extrême paradoxe) que Saied exclut résolument un parti (le PDL) qui a toujours été dans l’opposition et   qui mène depuis longtemps, bien avant lui d’ailleurs, une croisade contre le parti à Ghannouchi, celui-là même que Saied accuse d’avoir verrouillé le pays et qu’il accuse de « fomenter un putsch contre l’Etat », mais  sans le désigner nommément.

A leur retour chez eux, les eurodéputés établiront des rapports qu’ils soumettront à leur commission et, vraisemblablement, il ne faut pas trop s’illusionner. Parce que Joseph Borell prétend à une tutelle pure et simple sur la Tunisie. Mais pour l’envoyer sur les roses, il nous faut d’abord réinventer des institutions saines. C’est dans ce sens que le Dialogue doit être réellement national. Et cessons de parler Nobel. Ça a été un beau rêve, sans plus.