Par Raouf KHALSI
« La religion n’est ni une identité, ni une culture, ni une nation. C’est une relation personnelle à Dieu, une voie vers lui. »
C’est Mohamed Talbi qui parle. Et pourquoi ce rappel ?Parce qu’en recevant les lauréats d’apprenants du Coran-dont des fillettes portant le voile- Kais Saied a encore dit ce qu’il avait dit auparavant : « L’Etat n’a pas de religion ». Il n’empêche : la toile s’est enflammée.
« L’enfance volée » … « L’endoctrinement » et tant de commentaires charriant beaucoup de subjectivité.
En fait, en répétant que l’Etat n’a pas de religion, Saied est dans la cohérence de la constitution de 1959 où il est écrit, en gros, que la Tunisie est une république, une Nation arabe et que sa religion est l’islam. Annonciations reprises dans la constitution de 2014, hormis toutes les manœuvres d’Ennahdha de charpenter le texte constitutionnel de cette formule : « Nation musulmane ». Différence de taille. Car, la formulation actuelle « …sa religion est l’islam » décline vers la laïcité. Et vers la liberté de conscience et la liberté du culte. Plus tranchant, Saied y rajoute une couche : « L’Etat n’a pas de religion », juste l’Etat, ce qui ne veut pas dire que la Nation n’en ait pas une.
Mais voilà que les réserves, toute la problématique et toutes les controverses tournent autour du voile, surtout en ce qui concerne les fillettes.
Il est évident que c’est la résultante d’un modèle parental introjecté, ce « sur-moi » que dissèque Freud.
Mais, sur un plan général, fillettes ou adultes, il s’agit (surtout pour celles-ci) de liberté. Liberté vestimentaire et qui va dans les deux sens. Celles qui veulent se voiler sont libres de le faire. Celles qui portent les deux pièces à la plage, sont tout aussi libres de le faire. Il s’agit néanmoins d’une question de diversité et de juste milieu. En d’autres termes, que le voile ne soit pas la conséquence d’un prosélytisme diabolique pour les besoins d’un ralliement à l’obscurantisme. Et, sur l’autre front, que les formes corporelles ne prennent pas des allures attentatoires.
La société tunisienne, les femmes tunisiennes auront résisté au retour de l’instrumentalisation par la religion. Mais nos filles niqabées ont été envoyées en Syrie. Parce qu’à cette époque-là, avec les islamistes et les illuminations de Marzouki, l’Etat prenait, agressif, un virage moyenâgeux, du moins, les fausses incantations d’une Chariâa éternellement fantasmée.
Tout, en définitive, est dans le dosage. Dans la vigilance. Comment prémunir nos enfants contre les dérives des extrêmes….