La fièvre de l’Aïd monte mais laissera sans doute des séquelles aussi visibles comme chaque année en raison des charges insupportables pour de nombreuses familles. Les pâtissiers n’ont plus sommeil depuis plus d’une semaine. Chacun s’affaire à un rythme effréné, de jour comme de nuit, pour pouvoir livrer à temps ses commandes.
L’Aïd ne laisse personne indifférent. D’ailleurs dans chaque foyer, les membres de la famille, les cousines, les voisines se retrouvent pour mettre la main à la pâte et s’entraident pour préparer les gâteaux, malgré la flambée des prix qui ne cesse de ruiner les tunisiens à chaque fête .
Aucun ne déroge à la coutume de la confection des friandises de l’aïd. En cette occasion, de nombreuses ménagères font preuve de savoir-faire dans la préparation des délicieux baklewa, ghraiba, kaak, makroudh et bien d’autres. D’autres ne trouvent toujours ni le temps, ni l’énergie pour préparer ces gâteaux. C’est la ruée vers les pâtisseries qui sont pleines à craquer de produits destinés à cette fête. Pour l’heure, ils sont nombreux à faire leurs achats pour éviter les bousculades des derniers jours où ces vendeurs de sucreries seront pris d’assaut.
Les prix des ingrédients hors de portée
Les prix des ingrédients sont en train d’atteindre des records inégalés, saignant un peu plus le portefeuille des foyers déjà affaibli par Ramadan et les dépenses y afférentes. Les vendeurs des ingrédients jouent aux spéculateurs. Là, ils attendent preneurs ! Il y a du choix, des couleurs ! Mais les prix pour la préparation des gâteaux flambent à la veille de l’Aid. C’est le business juteux des vendeurs de fruits secs. Pour les commerçants, ces ultimes journées du mois sacré représentent une réelle opportunité pour faire un autre profit. Durant cette période, les achats des divers ingrédients nécessaires à la confection des gâteaux s’accroissent. Une virée chez les différents grossistes et magasins fait constater une hausse des prix des ingrédients.. Pour le produit prisé des petites et moyennes bourses, comme les cacahuètes, ses tarifs oscillent entre 11 et 12 dinars le kg. Si ce prix paraît une bonne alternative pour remplacer les amandes, les noix, les pistaches qui elles placent la barre beaucoup plus haut, pour les familles il s’agit d’un prix excessif.. Plus de 45 dinars le kg pour les pistaches, les noix sont à 40 dinars et les amandes entre 35 et 45 dinars. « Nombreuses sont les familles qui ne parviennent ni à acheter ni à fabriquer elles-mêmes leurs pâtisseries », estime la mère de famille, imputant ceci à la hausse des prix des ingrédients à base desquels sont fabriqués les gâteaux de l’Aid.
Rush sur les gâteaux traditionnels
Plusieurs pâtisseries proposent des produits de bonne qualité à base de beurre, d’amandes, de noix et de fruits frais. Les vitrines exposent une variété de gâteaux traditionnels. Aussi, lors de notre tournée sur place, nous avons constaté les chaînes interminables devant les pâtisseries, uniquement pour acheter ou emporter les meilleures pâtisseries de l’Aïd. Cette fête est aussi une période idoine pour les pâtissiers de se concurrencer et de passer les heures pour agrémenter les meilleures pâtisseries au goût noisette ou pâtisserie au goût fraise : «nous travaillons jour et nuit pour satisfaire les besoins de nos clients.» nous dira un jeune caissier .Fort de son constat sur place, Imad soutient : «on remarque ces derniers jours, une augmentation des ventes , beaucoup de gâteaux à base d’amandes et de noisettes sont demandés avec un bon rapport qualité-prix». Ceci n’empêche pas les fabricants de gâteaux traditionnels qui travaillent chez eux, souvent à l’abri de tout contrôle économique ou sanitaire en cette période de fête.
Ce commerce est devenu très prospère, sachant que les familles tunisiennes se dirigent de plus en plus vers ces « maisons pâtissières » en vue de s’approvisionner en matière de confiseries de l’Aïd. « Nous sommes submergées et nous n’arrivons pas à satisfaire tout le monde malgré que nous travaillons jour et nuit. D’ailleurs, nous refusons actuellement les commandes » avoue Jamila. « C’est un commerce florissant où on gagne beaucoup d’argent », nous dit Samia, une jeune pâtissière. Les gens n’ont plus le temps pour préparer leurs gâteaux. Ils préfèrent casquer de l’argent pour ne pas subir cette corvée.
Ces gâteaux maison sont vendus à des prix excessifs en témoignent les prix affichés par kg : la baklaoua à 45 dinars, le kaakel warka à 42 dinars, le samsa à 50 dinars, l’oudhnin El Khadhi à 25 dinars ; le mlabess à 40 dinars et la bjaouia à 45 dinars. Les prix pratiqués sont exorbitants et connaissent une constante augmentation par rapport aux exigences du marché, comme tient à l’expliquer Sendra, une jeune pâtissière. « La hausse du prix des matières de base, la farine, l’amande, les noisettes, le sucre et surtout l’huile font que les prix grimpent en cette période estivale. Les commandes sont nombreuses. Nous sommes submergées et nous n’arrivons pas à satisfaire tout le monde malgré que nous travaillions jour et nuit ». Ce n’est pas nouveau, il fallait s’y attendre. Que peut-on faire ? On n’a pas d’autre choix que de se plier au diktat de ces affairistes de l’Aïd. C’est normal nous dit Am Hédi un pâtissier maison C’est le moment de faire les affaires. On travaille jusqu’à l’aube, histoire de satisfaire toutes les demandes.
La technologie s’emmêle
Les réseaux sociaux sont devenus ces dernières années de véritables destinations « commerçantes » pour l’achat de gâteaux.Ils foisonnent de pages spéciales pour les commandes et les offres présentées aux clients potentiels des gâteaux différents types. Les femmes qui travaillent encore dans ces conditions sont les premières à passer les commandes sur les réseaux sociaux.
Senda, cadre dans une banque ,indique que depuis quatre ans, elle commande les gâteaux traditionnels chez une dame, qui a ouvert une page Facebook dédiée à ce profil. « C’est vrai c’est plus cher mais je n’ai pas du temps à aller dans une pâtisserie bondée actuellement de monde »
Maha, comptable souligne que « les commandes sont encore plus faciles avec les dizaines de pages spécialisées dans la confection des gâteaux, avec photos, prix et autres détails, permettant une commande sans aucun souci ».Mais les prix sont aussi salés et varient de 30 à 100 d le kilo, en fonction du type de gâteaux et des ingrédients.. »La qualité, ça se paye car on peut vous offrir un produit à moitié prix mais peu succulent » arme Hédia, une pâtissière qui a arrêté ses ventes car dit-elle « je suis en surbooking !
L’Aïd est aussi pour certains le période parfaite pour partager des moments agréables entre amis et de souhaiter ses bons vœux tout en offrant ces gâteaux à un parent ou un ami. Amel tient à rappeler, que ce cadeau demeure un geste élégant, à forte valeur symbolique.
Kamel Bouaouina