Qu’est-ce que la « septoriose » ? Une maladie, dite « foliaire », qui affecte le blé et d’autres espèces de céréales, précisément du genre « Triticum », et qui se fait monnaie courante dans toutes les zones de culture du blé à travers le monde. La Tunisie ? Un grenier à blé : périphrase, trois fois millénaire. La septoriose y trouve donc une vaste étendue de terres cultivées et surtout un climat chaud et humide, propice à son expansion. Traiter cette maladie de blé représente, dès lors, un véritable casse-tête pour les agriculteurs, chercheurs, universitaires et autres agronomes. Au cœur d’un symposium international qui se tient actuellement à Tunis.
Pour un colloque de la discipline, le thème en soi ne peut être que fort intéressant. Mais abstraction faite de ses enjeux strictement scientifiques, le contexte universel actuel, caractérisé par ce qu’on pourrait qualifier de « crise mondiale des céréales » sur fond de guerre en Ukraine, fait de ce symposium international, qu’abrite la Tunisie du 11 au 13 mai courant, une véritable tête de gondole pour la communauté agronome. Important certes à l’internationale, mais d’autant capital pour la Tunisie, pour l’Afrique du Nord et le bassin méditerranéen en général, où les maladies foliaires telles que la septoriose constituent une menace majeure pour la production de blé.
Le Nord-Ouest, un foyer de contamination
Afin de faire un tour d’horizon sur la question, avec un focus braqué particulièrement sur la Tunisie, nous avons rencontré, durant le premier jour du symposium, une grande spécialiste en la matière, la Tunisienne Sarra Ben M’barek, présidente du comité d’organisation, maître assistante et chercheure en phytopathologie/biotechnologie végétale, également co-coordinatrice de la plateforme Septoriose, et chercheure au CRRGCB (Centre régional des recherches en grandes cultures de Béja).
Le « Symposium international sur les maladies foliaires des céréales », autrement appelé ISCLB, s’étale sur plusieurs sessions et porte, cette année, sur les maladies apparentées aux septorioses, principalement Zymoseptoria, Parastagonospora, Pyrenophora, et celle de la Septoriose de blé qui intéresse particulièrement la Tunisie, mais aussi sur d’autres maladies du blé et de l’orge », nous précise la chercheure, qui se félicite de l’organisation de cette édition de 2022 en Tunisie. Une édition qui a su attirer, se targue-t-elle encore, pas moins de 11 « keynote speakers » (orateurs principaux, autrement dit, éminents spécialistes, NDLR) de différents pays, avec plus de 100 communicateurs et participants, pour un total de 23 pays représentés.
Invitée par nos soins à présenter la maladie, son état des lieux en Tunisie et les moyens d’y faire face, tout en veillant à vulgariser certaines notions pas forcément intelligibles pour le grand public parmi nos lecteurs, Sarra Ben M’barek explique ainsi : « La septoriose, en termes plus simples, est incontestablement la maladie numéro une qui attaque, essentiellement, le blé dur. La Tunisie est considérée dans ce sens comme un véritable « hotspot » pour cette maladie, autrement dit un foyer contamination, et ce, essentiellement au Nord-Ouest, et plus particulièrement dans les régions de Béja, Mateur, Jendouba, Boussalem et Bizerte, peut-être moins au Kef. »
Monoculture et manque de rotation
La septoriose existe, en effet, depuis les années 70. Sa propagation jusqu’à nos jours dépend de plusieurs facteurs : d’abord, le manque de rotation ou la monoculture, c’est-à-dire le fait de cultiver toujours la même variété, et en plus sensible si elle est cultivée sur de très larges emblavures. Deuxième problème : La rotation n’est pas toujours appliquée, on cultive du blé sur blé. Ainsi, le processus de remplacement des variétés, ou de « rotation », peut s’avérer, en Tunisie, un peu lent, malgré un grand effort des autorités. Troisième point : la résistance que manifeste la maladie face à l’utilisation des fongicides (NDLR, pesticides conçues pour éliminer ou limiter le développement des parasites de végétaux). Par ailleurs, les applications fongicides ne se font pas toujours de manière appropriée, entrainant parfois des risques d’apparition de la résistance aux fongicides.
Interrogée sur la participation tunisienne, la chercheure s’est vanté, naturellement, de la participation, qualifiée de « distinguée », quoique « timide » en termes de nombre, des compétences tunisiennes, citant les principales institutions spécialisées en Tunisie, et qui sont par-là même représentées au symposium, à savoir, l’INAT (Institut national agronomique de Tunisie) et l’INRAT (Institut national de la recherche agronomique de Tunisie), outre l’ESAK, l’INGC et le CRRGC.
Point très positif selon Sarra Ben M’barek : Les agriculteurs tunisiens sont devenus de plus en plus conscients de cette problématique. Il n’en reste pas moins que certains « insuffisances » gagneraient à être palliées, notamment en ce qui concerne l’échange, la collaboration et le réseautage avec les institutions internationales, où l’état des lieux de la recherche –il ne faut pas le cacher, ni en avoir honte- est nettement beaucoup plus développé qu’en Tunisie. Cela est sans compter l’importance et la nécessité d’encourager les partenariats et les collaborations entre différentes institutions et parties prenantes à l’échelle nationale, et ce, en vue d’exploiter le grand potentiel de notre pays, notamment en termes de compétences, mais aussi sur le plan de la recherche scientifique en agronomie.
Slim BEN YOUSSEF