Quel est le point commun qui lie tous les syndicats de musique dans les pays arabes ? Autant le dire sans ambages : ils sont tous plus controversés, d’autant contentieux et non moins contestés, les uns que les autres, dans leurs microcosmes respectifs. L’info de la semaine : 12 sur ces 16 syndicats de musique, actuellement en activité dans le monde arabe, accordent leurs violons et se liguent, incessamment sous peu, dans une « Union des syndicats arabes de musique », dont le siège permanent sera situé à Tunis, et… dont le congrès constitutif, qui se tient du 26 au 29 mai courant sous nos mêmes cieux, défraie déjà la chronique.

Des syndicats controversés ? A des degrés bien différents, faut-il en convenir. Celui d’Egypte, sous les « auspices » de Heni Chaker, étant, sans conteste et soit dit en passant, le plus contesté et contestable de tous. Pour cause : des polémiques à la pelle, des litiges en permanence et une tendance manifeste à entraver les artistes et leurs activités, bien plus qu’à les soutenir. En Tunisie, le syndicat de musique (STPMA) est souvent pointé du doigt, tantôt à raison, mais parfois aussi à tort et à travers, comme un organe servant les intérêts, qualifiés « d’étroits », d’une catégorie d’artistes, souvent décriée comme « restreinte ».

Un point d’orgue ? La naissance imminente de l’Union des syndicats arabes de musique, cette espèce de confédération syndicale géo-régionale qui, dans un monde arabe pas toujours enclin à s’entendre, aurait pu voir le jour des décennies plus tôt, a été quand même initiée puis accélérée sous l’impulsion du STPMA (Syndicat tunisien des professions musicales et apparentées), dont le président Meher Hammami, commence, petit à petit, à se forger une réputation « d’homme d’action » dans le milieu, outre un certain penchant, décidément efficace, pour le réseautage et… une certaine « habileté », disons à « amadouer » l’actuel département de l’autorité de tutelle.

Suffisant pour faire de cette Union naissante des syndicats arabe une véritable « machine » à faciliter la vie aux artistes ? Liberté de circulation des artistes, conditions de voyage, d’accueil et d’hébergement, droits d’auteurs et droits voisins, absence de cadre législatif et de lois communes, disproportions flagrantes au niveau de l’industrie et du marché de la musique entre pays arabes ; autant de problématiques dignes d’intérêt, d’étude et surtout d’intervention tangible.

Pour ce faire, il faudrait, avant tout, que cette confédération ait d’abord une vision claire, des objectifs précis, et pour le moins que l’on puisse espérer, une feuille de route des plus concrètes ou ne serait-ce qu’un brouillon de celle-ci, pour son congrès constitutif. Avec, évidemment, en ligne de mire un plan d’action des plus tangibles et une stratégie de plaidoirie, des plus efficaces, auprès des autorités de tutelle dans les pays concernés, et ce pour améliorer les conditions générales sur le court et le moyen terme. Le tout formulé, par exemple, dans un document de synthèse à présenter aux journalistes et à l’opinion publique, le jour d’une conférence de presse ; et ce, pour que l’on puisse, du moins, croire à ce projet, ou au demeurant, ne serait-ce qu’à ses grandes lignes.

Une conférence de presse ? Tenue effectivement en grandes pompes le mardi 17 mai à Tunis. Qu’en est-il de la vision ? Des objectifs ? Du plaidoyer ? Des assisses ? Du brouillon de la feuille de route ? Rien. Ou presque. Qu’en est-il, au fait, du congrès constitutif ? Les initiateurs de l’Union le présentent plutôt comme un… festival. Un « festival », qui se veut –doit-on citer- « un rassemblement d’envergure des professionnels de la musique arabe », où l’on va inviter un artiste de chacun des 12 pays représentés dans ce Syndicat naissant, et ce pour une prestation de… 5 minutes !

In cauda venenum ? Bien sûr, le choix des artistes invités, dont les noms ont été révélés durant la conférence de presse, suscite immédiatement la polémique. Des noms « anonymes » ? D’autres « trop » ronflants ? Copinage ? Favoritisme ? Et l’on en passe. En Tunisie, du moins, on ne parlera que de cela dans toutes les sphères musicales et médiatiques, pendant au moins deux semaines. On oublie tout de go le congrès, place aux clashs entre artistes, au buzz médiatique et aux traditionnelles querelles de clochers. Un coup de collier médiatique ? On connait désormais la musique…

Slim BEN YOUSSEF

 

Les syndicats arabes membres de l’Union des syndicats arabes de musique sont présidés par Meher Hammami (Tunisie), Heni Chaker (Egypte), Tawfik Ammour (Maroc), Nacer Ben Jabeur (Libye), Ahmed Ould Abbah (Mauritanie), Kamel Bennani (Algérie), Farid Abu Saïd (Liban), Jaber Joudi (Irak), Houcine Khatib (Jordanie), Hafedh Moussa (Palestine), Walid Mohamed el-Jacq (Soudan), Mamdouh Seïf, Fahd Haddad, et Ahmed Karkanoui (Arabie Saoudite) ainsi qu’un représentant du Syndicat de la Syrie.

La liste des artistes invités, pour une prestation de cinq minutes, comporte : Anis Khamessi et Dorsaf Hamdeni (Tunisie), Mohamed Anbri (Maroc), Youssef Hassen Laribi (Libye), Mouna Dendeni (Mauritanie), Nada Rihani (Algérie), Mustafa Hilal (Syrie), Ghazi el Amir (Liban), Mohamed Abdel Jabbar (Irak), Yazin Sabbagh (Jordanie), Mohamed Assef (Palestine), Abu-Arki Bakheet (Soudan), Ali Abdel-Sattar (Qatar), Fayçal el-Ansari (Bahreïn), Adel Rouiched (Koweït), Helmi Abdel-Baki (Egypte) et Marwan Feki et Akram Matar (Arabie Saoudite).

Au programme du Congrès, une réunion des présidents des syndicats arabes et signature du protocole de création de l’Union des syndicats arabes de la musique ; une table ronde sur la propriété intellectuelle ; une visite à Testour ; une autre à Thala ; un gala de clôture animé par Olfa Ben Romdhane et… Lotfi Bouchnak, in absentia.