Les relations entre Kais Saied et sa cheffe du Gouvernement, vont-elles bon train ? Une question que certains membres de l’opposition se posent par des affirmations sur une éventuelle démission de Nejla Bouden, face à la situation de crise politique et économique qui a affecté le Gouvernement.

Pour certains d’entre eux, le Gouvernement a même « perdu le contrôle de la situation » et c’est ce qui incite le Président de la République à prendre lui-même les choses en main. C’est ce qui aurait selon eux, poussé Najla Bouden à projeter de se retirer. Le secrétaire-général d’Attayar, Ghazi Chaouachi, avait en effet révélé que la cheffe du gouvernement aurait jeté l’éponge, mais sa démission n’a pas été activée par le président de la République.

Info ou intox ? Pour Chaouachi, il y a « d’autres ministres qui ont également présenté leur démission, et refusent même de signer les documents officiels ». Bien plus il a prétendu qu’«une guerre de succession à Bouden existe actuellement dans les coulisses de Carthage ».

Ces supputations ont été avancées par Chaouachi, pour motiver la formation d’un front national unifié, qu’il compte constituer afin d’exprimer franchement son rejet au processus unilatéral de Kais Saied.

Ouverture d’une information judiciaire

Si Najla Bouden est restée indifférente face à ces affirmations, il n’en reste pas moins que le porte-parole du gouvernement les a formellement démenties. Suite à quoi,  Leila Jaffel,  a ordonné une information judiciaire à la suite de laquelle le procureur de la République a traduit Chaouachi devant le juge d’instruction près le Tribunal de première instance de Ben Arous, pour répondre des chefs d’accusation d’atteinte à l’ordre public et d’entrave au travail gouvernemental.

En réponse de quoi, Chaouachi a émis son intention de porter plainte à son tour contre la ministre de la justice, en déclarant à une radio de la place que  « ces poursuites étaient une nouvelle tentative du président de la République d’instrumentaliser la justice contre ses adversaires politiques ».

Comment explique-t-on cette attitude de Ghazi Chaouachi  qui, le moins qu’on puisse dire manque d’arguments pour sa défense et c’est justement pour cela qu’il attaque à son tour en persistant dans sa position ?

En ce qui concerne la ministre de la justice, c’est vraisemblablement suite à l’initiative de la Cheffe du Gouvernement, qu’elle a agi. Chaouachi a effectivement diffusé de fausse nouvelles en spéculant sur les relations entre Nejla Bouden et Kais Saied pour soutenir que cette dernière projette de se retirer et qu’elle a même présenté sa démission mais que celle-ci n’a pas été encore acceptée par le Président. Des nouvelles qui nécessitent beaucoup de précautions, car cela touche non seulement à des personnes, mais à la réputation du gouvernement et sa relation avec le chef de l’Etat. D’autant plus qu’il n’indique pas la source de ces informations et en parle comme s’il y était. C’est la raison pour laquelle il est accusé d’avoir imputé à un fonctionnaire public ou assimilé des faits illégaux en rapport avec ses fonctions, sans en établir la véracité, calomnies de nature à nuire à l’ordre public.

Elément abstrait

Toutefois, de son côté, Chaouachi fonde sa plainte sur un élément plutôt abstrait mais qui n’interpelle pas moins à savoir le fait que Kais Saied « instrumentaliserait la justice contre ses adversaires ». Car abstraction fait du cas de Chaouachi, on constate que  Kais Saied  semble s’immiscer dans la justice , tantôt pour faire le procès des corrompus parmi les magistrats,  sans pour autant les désigner nommément,  tantôt pour affirmer son attachement à l’indépendance de la justice.

La dissolution de l’ancien Conseil supérieur de la magistrature, est intervenue après que certains membres parmi ce conseil ont critiqué ses décisions relatives au Parlement et au pouvoir judiciaire également qu’il renie et considère les juges comme étant des fonctionnaires au sein de l’Etat.  Après la nomination du conseil provisoire de la justice, il a continué à rappeler le rôle particulier des juges notamment depuis le 25 juillet dernier. Plusieurs fois, il a reçu Leila Jaffel en la chargeant d’intervenir selon la procédure, pour demander au procureur d’ouvrir une enquête, à chaque fois où  étaient impliqués des éléments qui sont en principe contre le mouvement du 25 juillet. Il parle dans ses discours de corrompus, de voleurs et d’ennemis, sans les désigner de manière précise. Si bien qu’on est enclin de penser que les ennemis sont tous ceux qui ne le soutiennent pas et qui en fait ne sont pas d’accord avec son programme.

Dans l’affaire Chaouachi, la procédure aurait pu être plus simple, car Najla Bouden aurait pu elle-même porter plainte par l’intermédiaire du représentant du contentieux de l’Etat, auprès du procureur. En l’occurrence c’est plutôt la ministre de la justice elle-même qui s’en est chargée pour demander au procureur l’ouverture d’une enquête.

Instrumentalisation ou mobilisation ? en tout état de cause la justice est de plus en plus au service du chef de l’Etat et donc de l’exécutif. Ce qui entache fortement son indépendance. Les évènements politiques nés de la crise actuelle, deviennent les prétextes à des procès qui sont  à caractère politique et dont la première étincelle intéresse un évènement ou même et pour appeler un cha , un chat,  un adversaire politique.

Ahmed NEMLAGHI