Par Raouf KHALSI

Qu’ils boudent, qu’ils boycottent le référendum, qu’ils rejettent le projet Saied, tout cela on le savait et l’on s’y attendait. Sauf que tout leur répertoire sémantique s’est épuisé. Au nom des siens, Imed Khémiri, éminence grise de Rached Ghannouchi, celui-là même qui justifiait l’injustifiable des temps où le Cheikh suprême trônait sans partage du haut de son perchoir au sein de l’hémicycle, remet au goût du jour toutes les théories complotistes. A croire que le coup du 25 juillet visait exclusivement Ennahdha, « garante des équilibres démocratiques et tombeur de Ben Ali ».

Sans doute, le projet de constitution de Saied prête-t-il à certaines équivoques. La nature du régime qu’il propose et, surtout, la configuration du Parlement lui seront assujetties. Si l’Etat est un tout, cet Etat ne serait que lui, sans trop paraphraser Louis XIV. Les politologues parlent « d’opportunité nécessaire ». Il conviendrait de parler plutôt d’un mouvement pendulaire de l’Histoire.

Au lendemain du 14 janvier 2011 (que c’est déjà loin !) et, bernés par les sirènes de la Révolution du jasmin et du Printemps arabe, nous croyions en la défatalisation de l’Histoire. Dans le sens que la dictature n’était plus notre destin irréversible. Or, cet affranchissement s’est très vite révélé être porteur de nuées orageuses : un nouveau destin, écrasant, espiègle aussi, prenait place dans l’imperceptible trame islamiste, tout en étendant ses tentacules jusque dans les tréfonds de la bienpensance qui n’avait toujours tiré sa force que de son progressisme.

Kais Saied rapprocherait-il la classe des modérés et, pour tout dire, l’intelligentsia des islamistes ?

A priori, il n’a guère l’intention de jouer aux Don Quichottes. Il est néanmoins dans sa propre logique. On verra ce que cela donnera. Sauf qu’Ennahdha n’est qu’une toute petite particule dans ce champ large spectre du missile du 25juillet. Et c’est là, la deuxième défatalisation de l’Histoire en l’espace d’une décennie.

Maintenant, il aura à convaincre le peuple. Pas uniquement « son peuple » à lui. Dans un pays où les démons du tribalisme sont toujours prêts à ressurgir, malgré Bourguiba, il faudra bien faire attention au futur Parlement, tout autant qu’à la composante religieuse. Des garde-fous, en somme. Parce que l’islam politique est une espèce de  monstre du loch Ness.

 

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    Bravo, sans aucun autre commentaire.