Après avoir pressé pendant près d’un an le locataire de Carthage de « rétablir la démocratie parlementaire » et dénoncé en des termes plutôt durs le « démantèlement de institutions démocratiques », l’Union européenne (UE) semble faire plus de réalisme face au souverainisme débridé qu’affiche le président Kaïs Saïed.  Dans une déclaration publiée dans la soirée du lundi 11 juillet, le sur le site du Conseil de l’Europe,  le haut représentant européen pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a souligné que « l’Union européenne, en tant que partenaire majeur de la Tunisie, continue de suivre de près le processus politique, y compris dans la perspective du vote du 25 juillet », indiquant que le référendum  du 25 juillet « devrait être une étape importante dans le processus de normalisation institutionnelle et d’équilibre démocratique ».

L’Union européenne s’est gardé d’adresser toute critique au projet de Constitution publié dans le journal officiel le 30 juin et « retouché » quelques jours plus tard par le président Kaïs Saïed, se contentant de « prendre acte des préoccupations exprimées concernant ce texte et le processus de son élaboration ».

Compte tenu de ses positions exprimées antérieurement, ainsi que de la position de la commission de Venise, l’UE considère « qu’un dialogue national inclusif est la pierre angulaire de tout processus constitutionnel crédible et de stabilité durable ».

Josep Borrell a également appelé dans ce cadre à « rassembler le spectre politique et social le plus large pour relever les défis politiques, économiques et sociaux auxquels le pays est confronté ».

Dans un langage très diplomatique et presque inoffensif, il a rappelé que « la force du partenariat UE-Tunisie repose sur des valeurs partagées et un attachement aux principes démocratiques, aux libertés individuelles, à l’État de droit, à la séparation des pouvoirs et à l’indépendance du pouvoir judiciaire ».

Le haut représentant européen a, par ailleurs, réitéré « la disposition de l’UE à continuer à soutenir la consolidation de l’acquis démocratique en Tunisie, ainsi que les réformes nécessaires pour améliorer durablement la situation socio-économique ».

En comparaison avec ses précédentes positions officielles prises depuis l’instauration d’un régime d’exception par le président Kaïs Saïed, Bruxelles semble avoir baissé le ton.

Processus d’accommodation

Auparavant, l’Union européenne s’est déclarée « profondément préoccupée » par la décision du président tunisien Kais Saied de dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature.

En avril dernier, le membre de la Commission des Affaires étrangères du Parlement européen, Michael Gahler, avait dénoncé ouvertement la décision de Kaïs Saïed relative à la modification de la composition de l’ISIE.

« L’ISIE en Tunisie avait bien rempli ses tâches à plusieurs reprises depuis 2011. La crédibilité et le déroulement professionnel des élections étaient garantis. Il n’y a pas de justification crédible pour le décret 22, qui mine l’indépendance de l’ISIE », avait souligné l’ancien chef de la mission d’observation électorale de l’Union européenne pour l’élection de l’Assemblée nationale Constituante tunisienne en 2011.

Sur un ton encore plus virulent, les ambassadeurs des pays du G7 et de l’Union européenne accrédités en Tunisie, avaient demandé, dans un communiqué commun rendu public en décembre 2021, « un retour rapide au fonctionnement des institutions démocratiques dans le pays, en dotant le Parlement élu d’un rôle significatif »,

Les chefs de missions des ambassades d’Allemagne, du Canada, des Etats-Unis d’Amérique, de France, d’Italie, du Japon, du Royaume-Uni, et de la délégation de l’Union européenne en

Tunisie, ont aussi indiqué qu’un « retour rapide au fonctionnement des institutions démocratiques dans le pays, avec Parlement élu d’un rôle significatif représentait la seule démarche « permettra de garantir un soutien large et durable aux progrès futurs de la Tunisie».

Selon les observateurs, la nouvelle position « tiède » et « ramollie » de l’Union européenne, principale partenaire économique de la Tunisie marque un retour en force de la Realpolitik alors que le président Kaïs Saïed s’est montré tout au long des derniers mois intraitable sur la question de la souveraineté.

L’histoire récente a démontré que les Européens et l’ensemble des Occidentaux ont l’habitude de s’accommoder rapidement des régressions démocratiques surtout dans le monde arabe, comme ce fut le cas lors du coup d’Etat du maréchal Abdelfattah-al Sissi en Egypte en 2013, au nom des intérêts nationaux. Aux yeux de Bruxelles et de Washington, le berceau du printemps arabe ne semble plus avoir valeur d’exemple dans le monde arabe où il existe une grande séquence historique de restaurations autoritaires drapée dans la référence totémique de «la volonté des peuples ».

Walid KHEFIFI