L’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) a estimé, dans communiqué publié mercredi soir que la nouvelle mouture du projet de Constitution, publiée dans la nuit du vendredi 8 au samedi 9 juillet par le président Kaïs Saïed dans le journal officiel, comporte des « améliorations partielles » et représente une « révision positive » de nature à pallier à certaines insuffisances et lacunes relevées dans la première version.
Elle a indiqué, dans ce cadre, que la révision effectuée par le président de la République et les réajustements apportés constituent une « reconnaissance de la justesse de la lecture critique de la centrale syndicale ainsi que des instances, des personnalités et des experts de la société civile et politique ».
Au rang des points positifs, l’UGTT salue notamment révision de l’article 55 en introduisant le terme de « proportionnalité » au lieu de « adéquation » et la suppression de « morale publique » des restrictions appliquées aux droits et libertés, la mention dans l’article 71 amendé de l’élection des membres de l’assemblée des représentants du peuple au suffrage universel, la mention dans l’article 90 mentionnant l’interdiction de se présenter à la présidentielle pour plus de deux mandats.
Elle souligne également de l’amendement de l’article 124 spécifiant le droit à un procès équitable et dans un délai raisonnable pour tous les citoyens ainsi que de l’article 125 concernant la nomination des membres de la Cour constitutionnelle selon l’ancienneté.
L’organisation ouvrière a cependant fait remarquer que les corrections de quelques expressions apportées au préambule sans modifications fondamentales représentent « une volonté persistante pour faire abstraction des valeurs universelles des droits de l’Homme et une envie de réécrire le cours de l’histoire d’un point de vue personnel ».
Elle a, d’autre part, fait savoir que l’ajout de l’expression « dans le cadre d’un régime démocratique » à l’article 5 portant sur l’atteinte des objectifs de l’islam, ainsi qu’à l’article 55, ne représente pas une grande avancée dans la mesure où cette expression est trop générique et ne peut dissiper les craintes quant à l’implication du facteur religieux sans la vie politique et juridique de l’Etat.
L’UGTT a aussi constaté « la poursuite de la violation des deux principes de séparation et d’équilibre des pouvoirs » et « le maintien de la concentration des pouvoirs entre les mains du président de la République sans le moindre contrôle ou possibilité de reddition de compte ».
Sur un autre plan, elle a émis des réserves sur « le maintien sans plafond temporaire et sans contrôle de la part de la Cour Constitutionnelle de l’état d’exception, ainsi que le maintien de la prérogative de recours au référendum législatif et constitutionnel directs entre les mains du Président de la République, ce qui lui permet de dépasser le pouvoir législatif de l’Assemblée, voire celui du pouvoir constitutif ».
Libre choix
La centrale syndicale reproche, également, « le maintien de la prérogative de nomination du chef du gouvernement, de la nomination et déposition de ses membres, selon la volonté du chef de l’Etat, en l’immunisant du contrôle législatif et en exigeant une forte majorité requise au sein des deux Assemblées, pour pouvoir présenter une motion de censure à son encontre et la voter ».
La limitation de l’indépendance des instances et des institutions de l’Etat et l’absence de révision dans le chapitre relatif aux droits et libertés pour consacrer les droits économiques et sociaux afin d’être en phase avec les revendications de la révolution du 17-Décembre – 14-Janvier constituent aussi des sujets de préoccupations pour l’UGTT.
Dans la version amendée de la Constitution, le président Kais Saied a notamment apporté des améliorations à deux articles particulièrement controversés, l’un évoquant la place de l’islam et l’autre les droits et libertés.
Au chapitre 5 du projet de constitution, le locataire de Carthage a introduit la mention « au sein d’un système démocratique » dans la phrase affirmant que la Tunisie « fait partie de la communauté islamique » et que « l’État doit travailler pour atteindre les objectifs de l’islam ». Cet article a été très critiqué par la société civile et certains partis politiques attachés à la séparation entre la religion et l’État, qui avaient souligné de possibles ambigüités dans son interprétation.
L’autre modification importante concerne l’article 55 sur les droits et libertés. La version amendé précise désormais qu’« aucune restriction ne peut être apportée aux droits et libertés garantis dans la présente Constitution si ce n’est en vertu d’une loi et d’une nécessité imposées par un ordre démocratique » et que d’éventuelles restrictions « ne peuvent intervenir que dans le but de protéger les droits d’autrui ou pour les besoins de la sécurité publique, de la défense nationale ou de la santé publique ».
A noter que l’UGTT n’a pas de donné de consigne de vote sur le projet de Constitution, préférant laisser à ses structures syndicales et ses adhérents la liberté de voter pour ou contre le texte lors du référendum prévu le 25 juillet.
Walid KHEFIFI