L’affaire qui a eu lieu ces derniers jours a fait couler beaucoup d’encre sur les journaux et sur les réseaux sociaux, suscitant l’indignation de tous. Il s’agit de l’acte de violence et de maltraitances perpétré par un quinquagénaire envers sa mère âgée de 83 ans. Selon le ministère de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Personnes âgées, « cette affaire a éclaté après la diffusion d’une insoutenable vidéo sur les réseaux sociaux, filmée depuis le toit de l’un des voisins dans la ville de Hammam-Lif à Ben Arous (banlieue sud de Tunis), où l’on voit cet individu de 53 ans, violemment frapper et insulter sa mère, qui criait et pleurait de douleur à chaque coup, et ce, tout en lui ordonnant de nettoyer soigneusement une bassine…! » D’après l’enquête menée à ce sujet, il s’est avéré que le fils n’en était pas à sa première agression contre sa mère âgée, chez qui il habite. De même, l’agresseur aurait aussi fait subir des violences à sa sœur qui avait un handicap mental.
Injurier ses parents, les menacer et finir par les brutaliser, c’est une situation choquante, chez les familles comme dans la société. Cette violence perpétrée contre les parents devient de plus en plus répandu chez nous.
Sujet tabou, loi de l’Omerta
Chaque fois que cela se passe, il est considéré comme un sujet tabou et les parents victimes n’osent ni porter plainte à la police ni alerter leurs voisins ou leurs proches d’un quelconque abus commis envers eux, histoire d’éviter le scandale. Dans le cas de figure, si le voisin n’avait pas filmé la scène de violence, on aurait pu ne pas être informé et l’événement serait passé inaperçu. Il n’est pas rare que pas mal de parents vivent des situations de violence avec leurs enfants, mais ils ne veulent ou ne peuvent pas briser le silence familial et faire dévoiler leurs conflits ou leurs malentendus avec leurs enfants. Et dire que la plupart des cas restent cachés jusqu’à ce que la situation empire et devienne insupportable et incontrôlable, au point que les enfants recourent à la violence verbale et physique envers leurs parents. Ces enfants « terribles » imposent une véritable dictature à des parents dépassés et qui n’osent pas en parler, sauf lorsque les limites du supportable sont largement franchies ou encore que l’affaire soit diffusée sur les médias ou divulguée de bouche à oreille. Heureusement que chaque fois que la police est saisie de l’affaire, elle fait son travail aussi bien contre l’enfant agresseur que pour la mère agressée.
Il est peut-être permis de parler d’une recrudescence notable de violence contre les parents en Tunisie. En effet, on avait appris à travers ces dernières années des cas de violence familiale dans différentes régions de la Tunisie. Il y avait celui qui a tué son père ou sa mère ou encore sa grand-mère, celui qui a frappé violemment sa mère ou sa sœur, des cas de ce genre qui ont connu des remous et des malheurs surtout parmi les citoyens aux âmes sensibles.
Recrudescence de la violence contre les femmes
Les dernières statistiques réalisées par le Ministère de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Personnes âgées sur un échantillon de de 3000 femmes et 1000 hommes, révèlent qu’une femme sur deux a déjà été victime de violence, soit 54% des femmes tunisiennes ont déjà subi différentes formes de violences : au foyer, dans les espaces publics, au travail, à l’école ou dans les secteurs économique et politique. Ces actes de violence contre les femmes se multiplient chaque jour davantage. Pourtant, la Tunisie a adopté une loi organique depuis 2017 destinée à l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Cette loi adopte une définition large de la violence en prenant en compte les violences physiques, morales, sexuelles, économiques et politiques. Son approche est globale et vise à « prévenir les violences faites aux femmes, protéger les victimes sur les plans juridiques, physiques et psychologiques, poursuivre les auteurs des violences faites aux femmes et leur imposer un suivi et prendre en charge les victimes à travers un accompagnement spécifique. »
Cependant, quelle que soit la situation, les hommes doivent se contrôler et éviter toute sorte de violence (verbale, physique, psychologique) envers leurs femmes ou leurs mères âgées. Il faut ajouter que le comportement violent envers les femmes est lié aussi à une mentalité de misogynie et des valeurs patriarcales socialement partagées qui normalisent avec la violence envers les femmes.
Il faut dire que la solidarité familiale ne se porte pas toujours bien chez nous. Et les causes sont multiples. Selon les sociologues et en règle générale, les facteurs de risque d’apparition de la maltraitance des femmes sont liés au degré de dépendance physique ou psychique de la femme, à la situation financière, mais aussi à la situation familiale au sein du foyer (alcoolisme, toxicomanie, fragilité psychologique, antécédents de violence familiale…) et encore à l’infrastructure du lieu de vie (locaux trop exigus ou inadaptés, promiscuité). Parmi ces facteurs, c’est la situation économique qui est surtout à l’origine de sévères diatribes à couteaux tirés qui se déclenchent entre conjoints ou entre enfants et parents. Toutefois, les comportements violents de la part des hommes vis-à-vis de leurs pères, mères, sœurs ou épouses ou pères) ne devraient pas être tolérés par la société et la dénonciation dans ce type de cas est plus qu’opportune.
Hechmi KHALLADI