A peine quelques heures après la perquisition de la résidence de l’ex-président américain Donald Trump en Floride, l’escalade judiciaire fragmente déjà la classe politique américaine. Les soutiens du milliardaire parlent de « persécution politique », certains en appelant carrément à la « guerre civile ». Une première étape vers un procès pour les uns, « une persécution politique » pour les autres : la perquisition spectaculaire du domicile de Donald Trump par le FBI a jeté, mardi 9 août, une nouvelle lumière sur les profondes fractures de l’Amérique. Jamais un ancien locataire de la Maison Blanche n’avait été inquiété par la justice de cette façon. Point d’orgue.

Que sait-on de la perquisition ? Que cherchait le FBI ? Comment le FBI a-t-il obtenu son mandat ? Est-ce illégal pour un président d’emporter des documents en quittant la Maison Blanche ? Quelles conséquences après la perquisition ? Que risque Donald Trump ? L’ancien président pourrait-il être déclaré inéligible ? Donald Trump peut-il capitaliser sur ce qu’il dénonce comme une « persécution » ? La justice fédérale s’intéresse à des documents confidentiels que Donald Trump aurait emportés, potentiellement de manière illégale, avec lui. Sans précédent dans l’histoire moderne américaine, la perquisition de la résidence de Donald Trump de Mar-a-Lago déchire les USA.

Donald Trump, qui clame son innocence dans chacune de ces affaires et prétend faire l’objet d’une chasse aux sorcières, a vivement dénoncé la perquisition de la police fédérale, à laquelle il n’a pas assisté, dans un communiqué. « Notre nation vit des jours sombres », a-t-il fustigé, assurant que « cette perquisition non annoncée de mon domicile n’était ni nécessaire ni appropriée ». « Personne n’est au-dessus des lois (…) pas même un ancien président », a rétorqué sur NBC la présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi – qui, comme la plupart des autres ténors de son camp, appelle depuis des années à ce que l’ex-magnat de l’immobilier rende des comptes. L’escalade judiciaire semble avoir dans le même temps cimenté l’emprise de Donald Trump sur le parti républicain, qui a fait bloc autour de l’ancien homme d’affaires – au point de l’ériger en martyr.

« Guerre civile » 

Dès l’annonce de la perquisition, un groupe de partisans de Donald Trump s’est rendu devant la luxueuse résidence de l’ancien homme d’affaires pour crier leur colère. Plusieurs d’entre eux agitaient des drapeaux « Biden n’est pas mon président », énième rappel que plus d’un an et demi après la défaite de Donald Trump à l’élection, des dizaines de millions d’Américains restent fermement convaincus que la présidentielle de 2020 lui a été « volée ». Sur les réseaux sociaux, certains trumpistes appelaient purement et simplement mardi au « divorce », dans ce pays aux divisions si béantes qu’elles peuvent sembler irréconciliables.

« Voilà le genre de choses qui se produisent dans des pays en guerre civile », a tancé Marjorie Taylor Greene, élue de Géorgie connue pour ses outrances, appelant même à un démantèlement du FBI. Dénonçant une « intolérable instrumentalisation à but politique » du ministère de la Justice, le chef des conservateurs à la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, a promis une enquête sur son fonctionnement si les républicains revenaient au pouvoir. Son camp pourrait reprendre le contrôle du Congrès lors des élections législatives de novembre, qui s’annoncent périlleuses pour le camp de Joe Biden.

Pour sa part, l’ex-bras droit de Donald Trump, Mike Pence, a dénoncé la perquisition du domicile de l’ancien président américain, à qui il pourrait être opposé en 2024 pour briguer l’investiture républicaine à la présidentielle. « Je partage la grande inquiétude de millions d’Américains après la perquisition sans précédent de la résidence privée du président Trump », a tweeté Mike Pence.

Les conservateurs ont été unanimes à dénoncer une « persécution politique ». Mike Pence, dont la réaction a été plus tardive, a assuré mardi que « les actes d’hier sap(aient) la confiance du public dans notre système judiciaire ». « Après des années pendant lesquelles il a été constaté que des agents du FBI agissaient sur la base de motivations politiques pendant notre administration, il faut remédier à l’impression de partialité que donne le ministère de la Justice », a critiqué celui qui a durant quatre ans été le vice-président de Donald Trump.

Les deux hommes ont pris leurs distances depuis que Mike Pence a refusé de s’opposer à la certification de la victoire de Joe Biden à l’élection de 2020, malgré les supplications de Donald Trump, qui prétend que le scrutin lui a été « volé ». Tous les deux sont désormais pressentis pour se présenter à la présidentielle américaine de 2024.

« République bananière »

La porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre, a écarté catégoriquement mardi la possibilité que Joe Biden ait été informé à l’avance de la perquisition chez son ancien (et potentiel futur) rival à l’élection présidentielle. « Le président Biden a été très clair, avant qu’il soit élu et depuis le début de son mandat, sur le fait que le ministère de la Justice conduit ses enquêtes de façon indépendante. Il croit en l’État de droit », a-t-elle déclaré.

Sur la chaîne préférée des conservateurs, Fox News, les bandeaux étaient eux aussi très critiques concernant la perquisition : « Les tactiques de plus en plus radicales du ministère de la Justice sont un danger pour la république », « Le FBI de Biden saccage le domicile d’un de ses adversaires potentiels pour l’élection de 2024 », était-il écrit.

Donald Trump, qui dispose déjà d’un trésor de guerre de plus de 100 millions de dollars (un montant sans précédent pour un ancien président) et pourrait à tout moment se déclarer candidat à un nouveau mandat, a sauté sur l’occasion pour lancer un appel à la générosité de ses partisans. « Ce n’est pas juste ma maison qui a été attaquée – c’est le domicile de chacun des Américains patriotes pour lequel je me suis battu », a-t-il plaidé dans un e-mail à ses militants, leur suggérant un don de 5 à 5.000 dollars pour combattre une « chasse aux sorcières ».

Au lendemain de l’opération de la police fédérale, l’élu républicain Scott Perry a annoncé que des agents du FBI avaient saisi son téléphone, sans que cet allié de Donald Trump n’en précise la raison. « Ce matin, alors que je voyageais avec ma famille, trois agents du FBI m’ont rendu visite et ont saisi mon téléphone portable », a-t-il déclaré à Fox News, dénonçant des « espèces de tactiques dignes d’une république bananière ».

 (avec agences et médias)