La Tunisie s’apprête à célébrer et à fêter ce samedi la journée de la femme. L’affaire revient à un certain 13 Aout 1957 où Zaïm Habib Bourguiba nouvellement intronisé aux commandes de l’état le 20 Mars 1956 prit tout le monde de court en proclamant l’audacieux Code Du Statut Personnel (CSP). Décision perçue de façons mitigées aussi bien du côté chez nous qu’à l’étranger. Admiration et louanges pour les esprits ouverts ; critiques acerbes, cabale effrénée pour les obtus, les cheikhs d’Al Azhar, d’El khalij et même les barbus locaux allant jusqu’à le qualifier de mécréant, d’apostat.

Ça lui tenait à cœur

Très jeune, il vécut dans sa chair profonde l’injustice infligée à sa grand-mère maternelle répudiée de façon unilatérale et contrainte à venir terminer ses jours sous le toit de la mère de si Lahbib. Parmi les différents volets du (CSP), l’abolition de la polygamie (tolérée par le Coran mais à des conditions bien codifiées), l’égalité entre la femme et l’homme et surtout l’annulation de la possibilité à l’homme de répudier sa conjointe arbitrairement en lui signifiant son divorce par le coursier- maison par le truchement d’un vulgaire papier griffonné à la hâte au coin d’une table du café de la place ou sur le comptoir de l’épicier avoisinant.

Statuquo depuis

Depuis cette courageuse proclamation de si Lahbib, qu’avons-nous fait pour améliorer un code vieux de 65 ans en faveur de nos mères, sœurs, filles, épouses ? Strictement rien et même la question de l’égalité de l’héritage soulevée par Bochra Belhaj Hmida mandatée par feu Beji Kaïd Essebsi est restée lettre morte. La femme Tunisienne n’a eu de cesse de briller de mille feux dans tous les domaines allant très souvent jusqu’à surclasser l’Homme par son intelligence, son potentiel, ses aptitudes. Rien qu’à jeter un sommaire coup d’œil sur les résultats des concours nationaux à tous les niveaux et vous serez édifiés, les pôles positions sont régulièrement « squattés » par les candidates dites de sexe faible. Notre Président Kaïs Saïd est le premier leader Arabo-africain à confier les commandes à la cheffe du Gouvernement Mme Nejla Bouden ayant une belle brochette de femmes comme collègues -ministres.

Côté cours

Mais en dépit de ces lueurs d’éclaircies (à encourager et à œuvrer grandement à fructifier), le ciel n’est pas tout beau et notre panorama n’est pas des plus rassurants. Beaucoup de chemin reste à parcourir pour sortir la « Femme » Tunisienne de la mélasse et la hisser à un niveau décent, acceptable ; Car en dépit du dur labeur qu’elle se coltine en milieu urbain ou rural, ses droits sont bafoués et ses efforts minimisés pour ne pas dire superbement ignorés par le conjoint. Un époux qui de sortie du travail passe inéluctablement par le café du coin pour décompresser avec les copains, rentre assez tard pour se planter devant la TV, exigeant souvent d’être servi devant le poste histoire de ne pas rater  » Choufli Hall » ou un match de football, s’endort généralement sur le fauteuil pour se réveiller très tard et regagner son lit où  » git » une épouse exténuée pour la réveiller brutalement réclament ses …droits conjugaux ! En parallèle, la dame se lève aux aurores, concocte le petit déjeuner pour la smala, prépare les gosses pour l’école, court derrière le moyen de transport de fortune pour regagner son travail souvent à jeun, rentre le soir éreintée pour se taper préparation de la bouffe, vaisselle, lavage et repassage du linge, révision des cours pour les gosses, rangement des pièces, etc. En milieu rural, la donne est pratiquement similaire avec cette nuance, le plus souvent elle doit s’échiner dans les champs en pleine canicule ou dans un froid glacial avec le sieur faisant la grâce matinée et passant la journée à battre le carton avec ses semblables désœuvrés. Les terribles accidents enregistrés régulièrement à ces ouvrières agricoles entassées à l’arrière de camionnettes au sol imbibé d’eau pour les empêcher de s’asseoir et d’occuper plus de place, sont pratiquement notre pain quotidien. 10 malheureux dinars par jour dont la majeure partie est happée par le transporteur et le reste validant les parties de cartes du conjoint.

Diverses violences au quotidien

Selon les statistiques avancées par notre consœur Essabah, en 2021, 6900 plaintes signalant des violences physiques essuyées par des femmes, soit une moyenne de 189 agressions par jour et ce en dépit de l’article de loi 58 / 2017 interdisant pareilles pratiques et menaçant de prison les contrevenants. Des maisons d’accueil pour les dames maltraitées sont récemment implantées dans les gouvernorats de Jendouba, Tozeur, Gabès, Tataouine, Kairouan en plus des deux autres déjà opérationnelles avec capacité de 90 lits et la possibilité d’y séjourner s’étendant sur des périodes allant de 1 jour à 3 mois. Mais ces chiffres ne sont en réalité qu’une infime particule du sommet de l’iceberg. Les femmes battues sont légion sous nos contrées mais elles préfèrent taire leur malheur même à leurs parents pour diverses raisons. La peur de la réaction fougueuse d’un frère entrainé aux sport de combat, le refus initial de la famille pour son choix d’un époux bon à rien, la crainte du « qu’en dira-t-on », la forte probabilité de ses proches d’exiger le divorce, de le lui imposer, mesure radicale qu’elle redoute et ne cautionne guère ,ses enfants doivent vivre en  » équilibre » (?)entre leurs géniteurs, la société assimile une femme divorcée à une dame aux mœurs légères donc à une proie facile, dépendance financière surtout pour celle ne travaillant point et de facto ne pouvant imposer aux siens une aussi lourde charge inhérente à elle et à ses chérubins, etc. Les violences morales, économiques, sexuelles font également partie du lot. Cependant, cette affaire ne concerne pas seulement le sexe dit faible, une bonne frange de violences sont perpétrées par les femmes à l’encontre de leur conjoint (30% de cas).

La récidive est immuable

Un médecin de la vieille école donc ayant pas mal de vécu en la matière et ayant été constamment et au quotidien  confronté à ces scènes récurrentes de violences prit la soin d’avertir très tôt ses deux fillettes âgées respectivement de 6 et 4 ans en présence de leur mère:  » Une fois adultes et mariées, au cas où vous seriez maltraitées ou violentées par vos époux, vous n’avez que l’une des deux alternatives suivantes à adopter et pas une troisième: Regagner le toit parental avec la procédure de divorce à enclencher de suite ou bien vous la boucler et continuer à vivre avec votre  tortionnaire en esclave, en bête à sévisses. Un homme qui lève une fois la main sur l’une de vous deux le refera (et non le ferait) toujours avec un délai plus ou moins long de latence. Ne point-vous fier à ses larmes de crocodile à postériori, aux sollicitations de sa famille, à leurs promesses communes de ne plus remettre ça, aux cadeaux onéreux à vous offrir en guise de quête de réconciliation. Les innombrables cas de récidives immuables de violences que j’ai suivies au cabinet m’autorisent à vous conseiller de la sorte. Votre mère et moi mettrons tout en œuvre pour que vous réussissiez brillamment dans vos études histoire de devenir entièrement indépendantes par la suite et pouvoir voler par vos propres ailes si besoin. Ne vous méprenez point, la violence peut se manifester même chez les garçons de bonne famille, intellectuels et occupant des postes clés dans la hiérarchie. »

Toute une mentalité à remodeler

Les textes de loi, les sanctions n’arriveront jamais à solutionner pareille gangrène sapant les assisses de notre société. Nos responsables devraient s’atteler à asseoir dès à présent les bonnes bases des bonnes manières dès les premiers balbutiements de nos enfants dans les institutions éducatives. Leur apprendre les abc du civisme, du respect d’autrui, de la déférence, de l’égalité des sexes. Cela prendrait peut-être une génération pour atteindre cet objectif mais au moins on aurait dans le futur une Tunisie meilleure pour nos petits voire arrières petits-enfants. Inchallah!
Mohamed Sahbi RAMMAH