A Gaza, le Hamas et le Jihad islamique se divisent sur les stratégies à suivre face à l’occupant israélien. Le Hamas, au pouvoir dans l’enclave palestinienne, n’a pas répliqué aux bombardements israéliens le 5 août, laissant le Jihad islamique seul envoyer plus d’un millier de roquettes. D’ordinaire, ils fonctionnent en tandem contre Israël. L’entité sioniste joue une partie de sa stratégie électorale dans l’enclave palestinienne. Le Hamas est confronté à une situation économique extrêmement critique qu’une nouvelle guerre ne ferait qu’empirer. Alors qu’Israël a concentré l’objectif de cette énième confrontation sur le Jihad islamique, d’aucuns s’interrogent sur l’issue de ce dernier conflit si le Hamas et le Jihad se seraient alignés en tandem.
Le Hamas, qui dirige la bande de Gaza, et le Jihad islamique sont les deux plus larges mouvements de résistance armée face à l’entité sioniste. Pourtant, durant les trois jours d’escalade meurtrière entre Gaza et Israël qui a débuté vendredi 5 août et ont fait 47 morts palestiniens, le Jihad islamique a été le seul à lancer des roquettes vers Israël – plus d’un millier. Le Hamas a condamné l’attaque israélienne, mais ne s’est pas joint aux combats. Ce n’est pas la première fois : le scénario répète, quasiment à l’identique, les événements de novembre 2019. L’occupant israélien avait alors tué un haut commandant du Jihad islamique – Baha Abou Al-Ata –, comme ce fut le cas de façon similaire pour Tayssir Al-Jabari, vendredi, et avec les mêmes conséquences : le mouvement islamiste a répliqué en lançant des roquettes, l’escalade a duré quelques jours, puis a pris fin. Parce que le Hamas, plus important et mieux armé, ne s’en est pas mêlé, à chaque fois, le conflit est resté limité.
« Le Hamas détient l’autorité. Ils ont des intérêts à préserver à Gaza », avance Khalil Abou Shammala, militant des droits de l’homme, pour expliquer cette inaction. Après des tensions au printemps, l’enclave palestinienne jouissait d’un calme relatif. Le mouvement islamiste était désireux de conserver cette stabilité et les concessions israéliennes qui l’accompagnaient : l’entité sioniste a notamment un peu desserré le blocus strict qu’il impose à l’enclave depuis 2007. Le Hamas cherche aussi à ménager les quelque 2,3 millions de Gazaouis, encore traumatisés par la guerre de mai 2021. L’organisation elle-même ne s’en est pas remise : elle n’a pas encore reconstitué ses capacités opérationnelles.
Ainsi, lorsque le Jihad islamique a réagi à l’arrestation, le 1er août, d’un responsable de son mouvement en Cisjordanie occupée par l’armée israélienne – élément déclencheur de la dernière série de violences –, le Hamas, lui, a eu toutes les raisons de s’abstenir. L’an passé, en mai, il s’était saisi pourtant de la répression israélienne à la fin du mois du ramadan sur l’esplanade des Mosquées pour marquer le coup et se poser en résistant numéro un à l’occupant, exigeant dans un premier temps de l’entité sioniste qu’il se retire d’al-Aqsa et du quartier de Cheikh Jarrah. Ses injonctions étant restées lettre morte, il a dans un second temps tiré des roquettes sur Israël qui s’est vengé en déversant une pluie de bombes. Cette fois-ci, le contexte est toutefois différent.
Et le Hamas semble a priori peu enclin à « entrer en guerre ». Le dirigeant de facto doit tenir compte de beaucoup de choses : les conditions humanitaires sont désastreuses à Gaza. La population ne s’est pas remise de la dévastation causée par la guerre l’année dernière. Sans compter qu’une implication directe du Hamas dans la confrontation qu’Israël impose au Jihad islamique équivaudrait à des destructions d’une ampleur tout autre. En somme, le Hamas fait de la politique et a recours à la carte de la résistance armée de façon tacticienne.
En 2018, dans le contexte de la marche du retour, le Hamas a activé la Chambre commune des opérations, comprenant depuis toutes les factions unifiées derrière un même parapluie. Dans ce cadre-là, le Hamas prend des décisions de concert avec les autres groupes. En revanche, depuis 2021 et l’intifada de l’unité, le Hamas a une stratégie d’unification des rangs palestiniens et n’entre pas du tout dans le jeu de division que voudraient les Israéliens. S’ils n’envoient pas des roquettes, c’est parce qu’il y a un calcul de partage des tâches.
(avec agences et médias)