Les tractations autour de la révocation des magistrats se poursuivent. Même après la décision du Tribunal Administratif en faveur de 49 magistrats concernés par la décision de révocation , à l’exception de 7 magistrats dont figurent le très controversé procureur de la République Béchir Akermi et le premier président de la Cours de Cassation, le reste des magistrats doivent en vertu de la décision rejoindre leurs postes. La suspension de la révocation telle que décidée par la Justice administrative n’est pas encore publiée, laissant la porte ouverte aux différents commentaires et pronostics. La réintégration des magistrats révoqués, fait encore débat.
Le CSM saisit ?
En fait, le Tribunal Administratif n’a même pas communiqué la liste des magistrats concernés par sa dernière décision. C’est à travers un bref communiqué que la décision est annoncée. Aucun autre détail (liste des magistrats) n’est également communiqué. Le même constat est observé, côté exécutif. Aucune réaction n’est surtout observée à côté du ministère de la Justice, ni auprès du Conseil supérieur de la magistrature provisoire (CSM) qui n’a même pas interféré tout au long de la crise de la magistrature en Tunisie. À Carthage, aucune information n’est également communiquée ni fuitée. Seules, les structures professionnelles de la magistrature, réagissent. Ces structures, dont figure l’association des magistrats Tunisiens (AMT), manifestent leur « joie », après la décision qu’elles qualifient d’historique et parlent de la réintégration imminente des magistrats révoqués. L’AMT va plus loin en remerciant le CSM provisoire pour la non-implication dans la décision de révocation, pourtant, c’est l’une de ses prérogatives, le CSM ne s’est même prononcé sur la révocation de 57 magistrats. En tout cas, l’AMT réagit favorablement à la décision comme elle appelle, implicitement et à travers son dernier communiqué, le ministère de la Justice. «L’AMT invite les autorités compétentes à respecter l’autorité des décisions judiciaires dans le cadre de respect de droit », peut-on lire dans le communiqué qui précise encore que l’AMT assure le suivi des dossiers rejetés. À ce propos, l’Association des jeunes magistrats, présumée proche des islamistes, accuse, à travers son président Mourad Messaouid, la ministre de la Justice de faire pression au magistrats à travers des menaces. Lors de sa dernière apparition médiatique sur les ondes de radio express FM, Messaouidi accuse la ministre de menacer des juges révoqués.
À vrai dire, la ministre de la Justice se trouve accusée d’être derrière la liste présenté au président de la République. Auprès des coordinations du président, on affirme que Leila Jaffel a induit Kaïs Saïed en erreur. L’information est même communiquée par le vice-président de la ligue Tunisienne des droits de l’homme, Bassem Trifi, qui affirme que la liste des magistrats révoqués était sur initiative de la ministre de la Justice. Son commentaire, diffusé sur les ondes de Jawhara FM, fait apparaître que la révocation des magistrats n’est pas du ressort du président de la République. Entre autres, c’est au CSM de prendre la décision de révocation. Mais avant, le CSM doit trancher sur l’effectivité de l’application de la décision du Tribunal Administratif. L’annulation de la révocation doit signifier, selon les magistrats, la réintégration des magistrats concernés même après le déblocage des indemnités financières. Sauf que la non-application de cette décision est fort probable. Rabah Khraifi, chercheur en droit constitutionnel indique dans une déclaration à Express FM, que le ministère de la Justice ne va pas appliquer la décision du Tribunal Administratif. Pour lui, l’annulation de la révocation des magistrats induira des conséquences compliquées sur le plan juridique. À ce propos, le ministère de la Justice pourrait recourir au CSM pour relancer de nouveau l’affaire. Serait-ce le cas ?
Zied DABBAR