Par Raouf KHALSI
Ce clair-obscur qu’entretient le ministère de la Justice dans les relents purement cornéliens de l’art des oxymores, on s’en serait réellement passé. La vérité ? On ne sait vraiment pas ce qu’il en est exactement des révocations des juges, c’est-à-dire les motifs, pas plus que nous soyons édifiés sur les raisons ayant infléchi le verdict de Tribunal administratif pour leur réintégration. Au milieu de tout ce bourbier, il y autant à se demander ce qu’il en serait d’une justice aliénée à l’Exécutif et ce qu’il en serait (encore une fois) de l’unilatéralisme qui fait que l’on s’érige en juge et partie.
Il se trouve en effet que le dossier des juges révoqués crée un précédent au niveau de la transparence requise dans la gestion de la chose publique. Sans doute, l’Etat est-il géré par décrets présidentiels, rendus nécessaires dans le contexte d’un état d’exception. Quelque part, Saied s’est révélé être un habile horloger derrière l’horloge détraquée d’une décennie qui n’est pas à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire moderne de la Tunisie.
Saied y est en effet allé dans le sens de l’ascèse, mais aussi dans sentiers marécageux de la rédemption. Il a même pris de court ses alliés de jadis (Abbou par exemple) qui le suppliaient d’actionner le fameux article 80.
Sauf que la rédemption pourrait aussi générer des dépassements, parce qu’il y a toujours le risque que la purification du pays ne tourne à l’hystérie et, donc, au populisme.
Opération « mains propres », c’est là le credo du président de la République. Mais c’est aussi la boîte de Pandore parce que, de quelque côté que l’on s’attaque à la piovra, les cadavres dans les placards restent là où ils sont. Et c’est là que surgit l’épineux problème de ce manque de transparence au niveau des dossiers auquel s’attaque le pouvoir.
Cette affaire de juges révoqués connaît dès lors des soubresauts, des rebondissements, parce que les mécanismes ne sont pas huilés. Parce que la Justice est un archipel inexpugnable avec ses mystères, ses dossiers enfouis et ses vérités éternellement frappées d’un sceau secret.
Et alors, les Tunisiens sont en droit de savoir ce qu’il en est exactement. Il s’agit de la Justice et, en soi, le corps de la magistrature a ses règles propres. Fonction exécutive ? C’est compliqué.