Depuis plusieurs jours, trois photos récurrentes circulent dans les réseaux sociaux. Elles sont partagées par des milliers de Tunisiens. La première présente une affiche indiquant une liste de produits alimentaires de base qui ne se trouvent pas en quantités suffisantes tels que l’huile végétale subventionnée et le sucre. La deuxième vient d’un kiosque et appelle à ne pas dépasser la consommation de 50 dinars de carburants. La dernière photo est une affiche d’une marque de café très connue en Tunisie et qui crie à l’existence d’une pénurie de café. Dans les commentaires, les citoyens n’ont pas caché leur inquiétude face à ce scénario de la pénurie de certains matières de base qui se répète presque chaque mois . Les autorités parlent, plutôt, d’une seule cause derrière cette pénurie dans le marché tunisien : la spéculation.
Interrogé par Le Temps News, le président de l’Organisation tunisienne pour informer le consommateur Lotfi Riahi a indiqué qu’il y a effectivement de la « spéculation autour des matières de base (café, sucre, huile végétale subventionnée…). La chambre nationale de l’industrie du lait évoque le risque d’une « crise » du lait en Tunisie. Le sucre, pour sa part, n’est pas disponible dans les grandes surfaces tout au long de la journée mais pendant quelques heures uniquement. Malheureusement, les vendeurs profitent de la crise et l’utilisent comme un moyen de marketing d’autres produits. » Et d’ajouter qu’il y a « des lobbies qui manipulent le marché ».
La nécessité de lutter contre la spéculation, a été au centre d’un entretien tenu, le 24 août 2022, au Palais de Carthage, entre le Président de la République, Kaïs Saïed et la ministre du Commerce et du développement des exportations, Fadhila Rabhi. A cette occasion, le président de la République a insisté sur l’importance de faire face aux spéculateurs et à tous ceux qui menacent de détruire certains produits pour en augmenter les prix, rappelant la nécessité de la coordination entre les différents appareils de l’Etat, pour arriver à cette fin, d’après un communiqué de la présidence du gouvernement.
Saïed a appelé à poursuivre quiconque tenterait de détruire les productions nationales, à l’instar des pommes de terre, rappelant la possibilité de confisquer les productions qui risquent d’être détruites. Il a, à ce propos, fait remarquer que le stockage n’est pas interdit par la loi, contrairement à la spéculation et au monopole. Sur un autre plan, le président de la République a souligné la nécessité d’assurer la disponibilité sur le marché, des fournitures scolaires à des prix et qualités convenables, appelant toutes les parties prenantes à agir fermement contre ceux qui tenteraient de profiter de ces occasions pour s’enrichir illégalement.
La « guerre anti-spéculation » se poursuit depuis plusieurs mois. Le 18 août 2022, le directeur régional du commerce à Bizerte, Sami Bejaoui avait indiqué qu’au cours de la première quinzaine du mois d’août courant, 430 mille litres d’huile végétale subventionnée ont été introduites sur le marché local. A noter que, depuis le mois d’août courant et jusqu’au 18 du même mois, les agents de contrôle économique à Bizerte sont parvenus à saisir 1337 litres d’huile végétale subventionnée sur les circuits non contrôlés et à relever 14 infractions économiques qui concernent particulièrement la spéculation et le refus de vente.
A Béja, les équipes de contrôle économique relevant de la direction régionale du commerce ont saisi, le 16 août 2022, 17 417 litres d’huile végétale subventionnée, qui seront réinjectés sur le marché, a fait savoir le ministère du Commerce et du développement des exportations. Cette quantité a été découverte dans un entrepôt anarchique, dont le propriétaire a une boulangerie classée, et ce, dans le cadre du programme de lutte contre la spéculation et la contrebande de produits de base, a précisé le département du commerce. En outre, une infraction économique a été établie pour pratiques contraires aux dispositions régissant les subventions, en vertu de l’article 6 de décret-loi n° 10 de l’année 2020, outre l’interdiction pour le propriété de la boulangerie, de s’approvisionner en farine subventionnée. Il a été aussi, proposée de fermer la boulangerie un mois, selon la même source.
La confusion du citoyen lambda n’est pas lié, uniquement, à la « pénurie » de plusieurs produits alimentaires de base, mais plusieurs Tunisiens sont d’autant frustrés à cause des prix élevés des fournitures scolaires. « Doit-on payer désormais des centaines de dinars pour cette fameuse liste des fournitures ? », s’inquiètent certains.
Ghada DHAOUADI