La perspective d’un accord sur les divers dossiers sociaux en suspens s’éloigne. Après plus de deux semaines de négociations laborieuses, le gouvernement et l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) se sont séparés, vendredi, sans parvenir à accorder leurs violons. Comme attendu, l’épineuse question de la majoration des salaires des fonctionnaires a empêché la signature d’un accord pourtant crucial pour la réussite des discussions engagées par l’exécutif avec le Fonds monétaire international (FMI) en vue d’obtenir un programme d’aide, et capital pour le maintien d’un climat de paix sociale.
« La séance de négociations tenue vendredi entre les délégations du gouvernement et de l’Union s’est soldée par un échec. Les deux délégations n’ont pas pu s’accorder sur le taux d’augmentation des salaires de la fonction publique et sur la date de décaissement de ces augmentations », a expliqué le secrétaire général adjoint de la centrale syndicale, Slaheddine Selmi, au sortir de la réunion considérée ces derniers jours comme étant « décisive » par les deux camps.
Le responsable syndical a indiqué que l’UGTT a fait des « concessions » pour garantir toutes les chances du succès au dialogue social, alors que le gouvernement a fait preuve d’une « grande intransigeance » pour être pour être en conformité avec le programme de réformes majeures qu’il a soumis au FMI.
« L’UGTT a renoncé aux augmentations salariales au titre de l’année 2020, prenant en compte les répercussions de la pandémie du Covid-19, ainsi qu’aux majorations au titre de l’année 2021. Elle a proposé d’entamer le versement des augmentations à partir de janvier 2022, à condition qu’elle couvre les années 2022 et 2023. La délégation gouvernementale a cependant suggéré un taux de majoration déraisonnable et des décaissements couvrant les années 2023, 2024 et 2025, ce que nous avons rejeté », a-t-il détaillé.
Le secrétaire général adjoint de l’organisation ouvrière a également estimé qu’il est peu probable que d’autres réunions aient lieu et que la centrale syndicale attend les propositions du gouvernement pour sortir de l’impasse. Il n’a pas cependant exclu l’arbitrage du secrétaire général de l’organisation, Noureddine Taboubi, et de cheffe du gouvernement, Najla Bouden.
Risque de détérioration du climat social
Abondant dans le même sens, le secrétaire général de l’UGTT a assuré, dans une allocution prononcée hier lors d’une conférence syndicale à Monastir que «la porte du dialogue avec le gouvernement reste ouverte », tout en signalant que le syndicat « reste prêt à tous les scénarios ».
Le porte-parole de l’UGTT, Sami Tahri, a, quant à lui, fait remarquer que l’échec des négociations aura des répercussions sur le climat social, ajoutant que les ouvriers et les fonctionnaires attendent des accords leur permettent d’améliorer leur pouvoir d’achat.
Lundi, le gouvernement et l’UGTT avaient annoncé des « avancées majeures » sur l’un des principaux points inscrits à l’ordre du jour, en l’occurrence la circulaire N°20. Celle-ci cristallise depuis plusieurs mois le durcissement des relations et la rupture dans le dialogue entre le pouvoir exécutif et la centrale syndicale.
La circulaire adoptée en décembre dernier empêche en effet les ministres ou directeurs des entreprises et d’institutions publiques d’entamer des négociations syndicales sans l’accord préalable du chef du gouvernement.
Dans le cadre de discussions avec le FMI pour obtenir un nouveau crédit, le gouvernement a promis le gel des salaires dans le secteur public, une mesure que l’institution financière multilatérale qui juge la masse salariale de la fonction publique comme étant l’une des plus élevées au monde (16% du PIB et 46% du budget de l’Etat) ne cesse de recommander aux autorités tunisiennes depuis plusieurs années. Mais l’UGTT rejette cette réforme, au nom de la politique sociale, de la défense des droits des travailleurs et du pouvoir d’achat des Tunisiens. La centrale syndicale a d’ailleurs lancé un mot d’ordre de grève dans la fonction publique et le secteur public pour réclamer la majoration des salaires, la suppression de la contribution sociale de solidarité (1% du salaire), la restructuration des entreprises publiques et l’application d’un accord conclu avec le gouvernement le 6 février dernier et prévoyant la majoration des salaires dans plusieurs secteurs. La date de cette nouvelle grève avalisée par la commission administrative nationale, la plus haute instance de décision de l’UGTT, n’a pas été encore fixée.
Walid KHEFIFI