Personne ne peut nier le fait que l’ancienne génération maîtrisait mieux les langues que la nouvelle. Du primaire à la terminale, la plupart des élèves parlent un très mauvais français, anglais ou même arabe, a d’ailleurs constaté le ministre de l’éducation. D’autres Tunisiens brillent comme en témoigne une supporter de notre championne Ons Jabeur « Quel plaisir et quelle fierté d’entendre Ons Jabeur parler cet anglais si fluide et si correct ! De l’écouter plaisanter et taquiner public et journalistes dans la langue de Shakespeare ! Quelle belle image elle donne de la Tunisie et de sa jeunesse et quel beau coup de pub elle offre à un pays en mal de démarrer ! » écrit –elle sur sa face book
Les diagnostics constatés officiellement montrent, en effet, que nos élèves ne sont pas tous des as dans les langues. Et, cela ne concerne pas seulement les langues étrangères mais, également, la langue arabe. Les Tunisiens arabophones côtoient leurs compatriotes bilingues, avec une minorité de francophones l’universitaire Hubert Tullon a donc bien raison d’affirmer : « Toujours est-il que, dans l’ordre de l’imaginaire comme dans celui du réel, ce sont bien l’arabe et le français qui font couple en Tunisie »
Les lacunes de la maîtrise des langues commencent en jeunes âges du primaire. Les élèves manifestent des défaillances dans la langue supposée être leur langue maternelle. Ces lacunes sont apparentes dans toutes les langues comme le montre les résultats de ces enquêtes. On estime que les élèves qui n’obtiennent pas leurs moyennes en arabe dans les examens nationaux se situent autour de 30% contre 40% pour le français. Il y aurait, parmi les élèves de 6ème, de grandes faiblesses dans la maîtrise de la langue de Molière ou de Shakespeare. Ils seraient près de 20% à ne pas maîtriser le français et environ 15% l’anglais
La qualité de l’enseignement, le cœur du problème
L’apprentissage de la langue française ou anglaise commence au primaire, mais le volume horaire réservé actuellement à cet enseignement ne permet pas aux élèves d’acquérir une bonne maîtrise de la langue. Toujours est-il que l’enfant, à sa sortie du primaire, est incapable de communiquer en français. Selon les instituteurs, la plupart des élèves ne la pratiquent jamais, le seul espace où ils ont la chance de parler français est la classe. Ainsi, l’enfant se contente, en anglais ou même en arabe de ce qu’il apprend à l’école, ce qui est loin d’être suffisant si ce n’est pas renforcé par d’autres activités comme la lecture et surtout la pratique. La majorité des parents sont des arabisants et n’assurent pas un suivi pour vérifier si l’enfant a bien assimilé ses cours et fait ses devoirs. Souvent, l’enfant est démotivé. « L’apprentissage de la langue française dans les écoles publiques reste sclérosé dans des méthodes archaïques et le résultat : seule une minorité d’élèves la parle correctement. Ainsi plusieurs hypothèses peuvent être émises pour mettre en évidence les facteurs qui expliquent cette situation et analyser l’état des lieux. La baisse du niveau peut être imputée aux méthodes et aux programmes adoptées dans l’apprentissage, au manque de motivation et de besoins langagiers chez les apprenants, à l’absence d’objectifs ciblés et de finalités précises pour l’enseignement de langues, au manque de moyens didactiques et audiovisuels à même de faciliter l’apprentissage, à un déficit relatif à la formation et à l’encadrement des enseignants ou à tous ces facteurs combinés à la fois » explique Alia, enseignante.
Mais pourquoi après tant d’années d’apprentissage les résultats laissent-ils beaucoup à désirer ? Ne faut-il pas incriminer les programmes en vigueur, instaurés depuis une dizaine d’années et n’ayant connu aucun changement depuis lors, ces programmes sont loin de faire l’unanimité des enseignants. La majorité d’entre eux se plaignent de certains manuels calqués de façon parodique et aveugle sur des manuels français ou glanés dans des sites Internet alors qu’ils sont destinés à des élèves.
Le niveau en langues des élèves pointés du doigt
Les fautes d’orthographe sont devenues monnaie courante chez les nouvelles générations. La démocratisation du SMS fait que les plus jeunes maîtrisent de moins en moins la langue française. Les élèves de 3ème primaire sont tombés, il y a quelques jours, sur une surprise en ouvrant leur nouveau manuel scolaire de français. Ils ont pu constater d’énormes fautes comme « élèvent » au lieu « élèves » ou « potos « au lieu photos. Alors que ce livre est destiné à la formation des enfants. Maladresse ou Inattention ? Alors qu’on pointe régulièrement du doigt la baisse du niveau de français des élèves, les erreurs des rédacteurs de ce manuel, passent mal. Le problème c’est que ce livre est censé être un manuel scolaire de français pour des élèves en apprentissage. C’est même considéré comme celui qui représente le mieux la pédagogie enseignante. Heureusement que le ministère de l’éducation a ouvert une enquête et a appelé à corriger ces erreurs.
Dans tous les systèmes éducatifs du monde, le choix des enseignants se fait selon des critères rigoureux, car ce métier exige en plus de compétences liées à la discipline enseignée, beaucoup de disponibilité, d’abnégation et une vocation. L’école échoue à enseigner les langues. En arrivant au collège, le mal est fait. Un collégien sur deux ne maîtrise pas la langue Cela suppose que le niveau médiocre auquel est arrivé l’étudiant n’est pas uniquement sa faute à lui mais aussi au système éducatif dans lequel il a grandi. Faouzi Elloumi, écrivait sur son post « Il y’a un recul énorme dans la maîtrise des langues étrangères en Tunisie. En ce qui concerne les réseaux sociaux, 93 % des messages sont en arabe, 7 % en français, l’anglais est quasi inexistant et les autres langues n’en parlons pas »
« C’est une catastrophe », dit Raoudha Kammoun, chercheuse en socio-linguistique à l’Université de la Manouba. « Dans les écoles, la plupart des élèves ne sont capables de répondre que par oui ou non ou demandent à l’enseignant de répéter en arabe. » Ridha Zahrouni, président de l’Association des parents et élèves, estime que «la réforme de 1991 a porté avec elle la décision de d’enseigner des disciplines scientifiques, les mathématiques, les sciences physiques et naturelles, en arabe à l’école préparatoire avant de revenir à la langue française au lycée secondaire. Il est à rappeler qu’avant cette réforme, ces matières étaient administrées en français au cours de toute la phase secondaire qui était de 7 années. Une décision inutile et injustifiée du point de vue pédagogique
Kamel Bouaouina