• 21 septembre, Journée mondiale d’Alzheimer.
Le Temps News : Quel est le nombre des malades atteints d’Alzheimer en Tunisie. Est-il en augmentation ?

Leila Alouane : Il n’y a pas eu d’études statistiques récentes mais selon les estimations, la Tunisie compterait 80000 cas de patients Alzheimer mais le nombre est certainement beaucoup plus important car ce chiffre est estimé à partir des cas diagnostiqués or il y a beaucoup de patients qui ne consultent pas et ne sont pas diagnostiqués.

Oui, ces chiffres sont en continuelle augmentation pour plusieurs raisons telles que l’’âge . La   part des personnes âgées en Tunisie est en nette augmentation, bientôt ils représenteront 20% de la population, or le risque de la Maladie d’Alzheimer (MA) augmente avec l’âge

Les facteurs de risque de la MA tels le diabète et l’hypertension sont en progression alarmante en Tunisie. Un meilleur diagnostic et une meilleure sensibilisation. Les familles sont plus attentives aux signes et consultent plus souvent. La MA n’est plus considérée comme une conséquence normale du vieillissement

Quels sont les premiers signes visibles de la maladie ?

 Les signes de la maladie d’Alzheimer les plus visibles comprennent la  perte de mémoire, avec effet délétère sur la vie au quotidien, des  difficultés à exécuter les tâches familières, une   trouble du jugement et de raisonnement, des  sautes d’humeur ainsi que des changements de comportement, des  problèmes de communication et troubles de langage, une désorientation dans l’espace et dans le temps, des objets égarés ou mis dans des endroits insolites et une désinhibition

Quels sont les facteurs déclencheurs de la maladie ?

Aujourd’hui, les chercheurs croient que ce n’est pas un seul facteur qui cause la maladie d’Alzheimer mais plutôt une combinaison de facteurs. Il reste encore beaucoup à apprendre au sujet de la maladie.

Les plus connus sont le diabète mal équilibré, l’HTA non traitée, les accidents vasculaires, l’élévation des lipides sanguins, l’obésité surtout abdominale, le tabagisme, la pollution, certains médicaments, l’inflammation chronique, les traumatismes crâniens et psychiques ….

Peut-on prévenir la maladie d’Alzheimer ?

 Sur le plan médical, il faudrait équilibrer la glycémie en cas de diabète, traiter l’élévation de la tension artérielle en cas d’HTA, évitez l’obésité abdominale et équilibrer l’alimentation et éviter les aliments déséquilibrés

Sur le plan social, il faut  avoir une  vie sociale bien remplie et conviviale tout en évitant l’isolement …

Sur le plan intellectuel, il faudrait développer des activités cérébrales : jeux de réflexion, jeux de cartes ou Domino, lectures et écoute de musique

Face à des maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer, le rôle d’aidant familial est –il primordial ?

L’aidant familial est très important avec beaucoup de risques de surmenage physique et psychique d’autant plus qu’en Tunisie il est très difficile de se faire aider vu le coût et la non disponibilité des auxiliaires de vie. L’aidant doit être disponible 24 h/24h soit l’équivalent de 3 professionnels (auxiliaires et parfois infirmiers)

Du point de vue psychologique, qu’est-ce qui est le plus difficile ?

Oui beaucoup pour la famille et surtout l’aidant familial.« De nombreuses études montrent à quel point les aidants payent leur dévouement, sur le plan personnel, en devant renoncer à des projets importants ou en sacrifiant leur vie sociale, mais surtout au plan de leur santé physique et morale ». En plus ils souffrent de voir l’être aimé se détériorer et de ne pas être en mesure d’améliorer son état.

Pour le patient lui-même psychologiquement, c’est très difficile de se voir amoindrir et perdre ses repères, c’est très angoissant de savoir que bientôt tout va s’effacer et de ne plus rien reconnaître, de ne plus être que l’ombre de soi-même. La douleur psychique est très difficile à supporter ce qui aggrave la maladie par l’installation d’une dépression

Quel rôle joue l’entourage pour gérer la maladie et apprendre à vivre avec ?

Malheureusement au moment du diagnostic l’entourage est complètement perdu. Les structures d’orientation et d’apprentissage sont pratiquement inexistantes. L’association Alzheimer Tunisie essaye d’aider en expliquant la maladie et les « astuces » pour faciliter la vie au quotidien mais avec les problèmes de confinement et de risque de contamination de la Covid, ces conseils et orientations ne se font plus aussi souvent qu’avant.

Il est très difficile de s’adapter et cela nécessite le recours à un ensemble de professionnels pour faciliter la prise en charge et ralentir la détérioration de l’état du malade : l’idéal il faut se faire aider par l’auxiliaire de vie, par l’ergothérapeute qui va réorganiser le lieu d’habitation avec les capacités du patient, le kinésithérapeute pour éviter les problèmes moteurs qui vont s’installer progressivement, l’orthophoniste pour ne pas perdre la capacité du langage mais aussi celle de la déglutition, le psychologue pour gérer les troubles du comportement, la nutritionniste pour gérer les troubles du comportement alimentaire….

Il faut gérer la vie au quotidien, l’idéal est de se faire aider pour pouvoir tenir le coup. La MA est une maladie chronique de plus de 10 ans avec une détérioration progressive de l’état général, psychique et intellectuel du patient mais parfois cette détérioration de la santé, touche plus l’aidant que le patient.

Quels sont les traitements accessibles aujourd’hui en Tunisie ?

Les médicaments essentiels et spécifiques sont fournis et pris en charge pour les patients qui bénéficient de la couverture sociale

Un point important est à retenir, le traitement médicamenteux doit être complété par les traitements non médicamenteux

L’alimentation joue-t-elle un rôle clé dans la prévention de la maladie d’Alzheimer ? Quels sont les aliments à privilégier ?

Oui car l’alimentation régule les facteurs de risque .Une alimentation de type Méditerranéen semble être efficace sur le plan préventif. Lorsque la maladie est installée, il faut qu’elle soit équilibrée et suffisante, car la MA entraîne une augmentation des besoins et des risques de carence relatifs à la progression de la maladie et des troubles qui s’installent. Le risque majeur est la dénutrition qu’il faut prévenir et traiter par l’enrichissement de l’alimentation. Il n’y a aucun aliment miracle ni pour prévenir ni guérir malgré tout ce qui est périodiquement publié.

                                 Kamel BOUAOUINA